J’avais coutume, au grand étonnement de beaucoup, de me causer de la douleur, […] parce que je pensais que le plaisir consistait dans l’apaisement de la douleur précédente : si, donc, la douleur est volontaire, il est facile de l’apaiser. Et parce que je sais d’expérience que je ne peux jamais être totalement exempt de douleur, et que si d’aventure cela se produit, me pénètre l’esprit un élancement tellement pénible que rien ne peut être plus gênant, si bien qu’une douleur est un moindre mal, ou bien une cause de douleur dépourvue de honte ou de danger, j’ai imaginé de me mordre les lèvres, de me tordre les doigts de me pincer jusqu’aux larmes la peau et le muscle délicat du bras gauche ; et grâce à ces précautions, j’ai vécu jusqu’à présent dans la dignité.
Naturellement, je crains les lieux élevés, même très ouverts et ceux où je pourrais soupçonner la présence de chiens enragés. J’ai aussi souffert de temps à autre d’amour héroïque, au point de penser me suicider ; je soupçonne que cela doit arriver aussi à d’autres, bien qu’ils ne le mentionnent pas dans leurs livres.
Fuit mihi mos (de quo plures admirabantur) ut causas doloris, si non haberem, quaererem […], quod arbitrarer uoluptatem consistere in dolore praecedenti sedato : si ergo uoluntarius sit dolor, facile sedari poterit. Et quoniam experior me nunquam posse prorsus carere dolore, et si modo contingat, subit in animum impetus quidam adeo molestus, ut nihil possit esse grauius, ut multo minus malus sit dolor, aut doloris causa, in qua nulla prorsus inest turpitudo periculumue. Itaque ob hoc, morsum labii, et digitorum distorsionem, et compressionem cutis ac tenuis musculi brachii sinistri usque ad lachrimas excogitaui ; quo praesidio sine calumnia adhuc uiuo.
Natura, alta loca timeo quamquam latissima ; et ea ubi suspicionem rabiei canis habuerim. Laboraui interdum etiam amore heroico, ut me ipsum trucidare cogitarem ; uerum talia etiam aliis accidere suspicor, licet hi in libros non referant.