18 09 23

Beckett, Malone meurt

Et à vrai dire il était de par son tem­pé­ra­ment plus près des rep­tiles que des oiseaux et pou­vait subir sans suc­com­ber des muti­la­tions mas­sives, se sen­tant mieux assis que debout et cou­ché qu’assis, de sorte qu’il se cou­chait et s’asseyait au moindre pré­texte et ne se levait pour repar­tir que lorsque le struggle for life ou élan vital lui met­tait le feu au cul. Et une bonne par­tie de son exis­tence a dû se pas­ser dans une immo­bi­li­té de pierre, pour ne pas dire les trois quarts, et même les quatre cin­quièmes, immo­bi­li­té de sur­face dans les pre­miers temps mais qui gagna peu à peu je ne dirai pas les œuvres vives mais tout au moins la sen­si­bi­li­té et l’entendement. Et il faut croire qu’il reçut en par­tage de ses nom­breux aïeux, par le tru­che­ment de son papa et de sa maman, par un heu­reux hasard et entre autres avan­tages bien enten­du, un sys­tème végé­ta­tif à toute épreuve, pour avoir atteint l’âge qu’il vient d’atteindre, et qui n’est qu’une plai­san­te­rie à côté de l’âge qu’il attein­dra, c’est moi qui me le dis, sans pépin sérieux, je veux dire de nature à le rayer séance tenante du nombre des mou­rants.