Que faire ? À peu près tous les salons servent pour le Conseil depuis que le PR a déclaré que puisque tous les salons à peu près avaient servi pour le Conseil depuis qu’il y a Conseil, il ne voyait pas pourquoi faire le Conseil toujours dans le même salon et puisque c’était comme ça, c’était la tradition, il changerait de salon chaque semaine afin qu’on ne s’habitue pas, voilà, c’était important qu’on ne s’habitue pas sinon dans un même environnement, en l’occurrence dans un même salon, on avait tendance à prendre les mêmes décisions, ou plutôt à avoir les mêmes discussions puisque les décisions étaient prises avant, avant le Conseil depuis Mitterrand au moins, qui avait déclaré, à l’époque, qu’ils n’auraient qu’à, tous, amener leurs dossiers, poser dessus leurs deux mains bien à plat et cesser de bavarder, l’ancien PR ne supportait pas les bavardages, mais lui n’était pas si sévère, lui n’était pas si IIIe République, non, il tolérait les bavardages et même les appelait discussions, mais supporter les mêmes sempiternelles discussions toute une matinée ou à peu près fallait pas rêver et comme, il en était persuadé et la preuve, c’est le décor qui suscite et même modèle les discussions, voire les décisions, qu’à force d’ailleurs de siéger dans des décors Napoléon III, on avait finalement enchaîné les décisions Second Empire à peu près à la façon dont Edmond Rostand avait pondu neurasthénique ses pièces Second Empire en pleine République, oui, il y avait vraiment dequoi devenir neurasthénique à force d’être toisé par ces dorures, à force d’être encadré par ces médaillons, à force d’être dépassé par ces feuilles d’acanthe, ces rinceaux, ces bibelots, absorbé par ces tapis, tapisseries, leurs Dianes, leurs chevreuils, leurs bouvreuils, leurs cercueils, pénétré par ces zébrures, ces rayures, ces mouchetures, qui n’étaient elles-mêmes, zébrures, rayures, panachures importées d’une modernité imaginaire, qu’un détail Napoléon III, c’est comme ça, à force de voisiner et de frayer avec du Napoléon III elles avaient fini par devenir un accessoire Second Empire, la peinture abstraite ne l’était plus, ni peinture, ni abstraite, c’était juste un élément de décor Second Empire décliné en tapis, tapisseries, bibelots, couteaux, et alors on allait siéger dans ce même décor certainement non, on naviguerait de salon en salon, on surferait certes dans le même type de madrure mais on bougerait d’un cran, qui ceci, qui cela, qui un boulier doré, qui un bouclier doré, qui un cercueil, qui un bouvreuil, qui un Vasarely, qui un Signorelli, et la semaine d’après qui Pompadour, qui Montmajour, qui une soupière, qui une guerrière, Pentecôte, voilà, peut-être qu’une effusion, une effusion d’Esprit ou l’effusion d’un Esprit viendrait à peu près, descendrait au Palais, délierait des langues qui causent habituellement Rostand, se dit le garde en déposant le corps devant la bibliothèque, en rassemblant les deux pieds l’un contre l’autre, face à l’arc de la Napoléon III bibliothèque, ayant lui-même au collège appris par cœur la tirade des nez.
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