21 07 24

Musil, L’homme sans qualités

Walter avait tou­jours eu une capa­ci­té toute par­ti­cu­lière de vivre inten­sé­ment les choses. Il n’obtenait jamais ce qu’il vou­lait parce qu’il était trop émo­tif. Il sem­blait por­ter en lui, pour son petit bon­heur et son petit mal­heur, un très mélo­dieux ampli­fi­ca­teur. Il émet­tait tou­jours de la petite mon­naie de sen­ti­ment, mais c’était de l’or et de l’argent, alors qu’Ulrich opé­rait plus en grand, avec des sortes de chèques intel­lec­tuels, sur les­quels étaient écrits d’immenses chiffres ; mais ce n’était jamais en fin de compte que du papier.

Walter hatte immer eine ganz beson­dere Fähigkeit beses­sen, hef­tig zu erle­ben. Er kam nie zu dem, was er wollte, weil er so viel emp­fand. Er schien einen sehr melo­di­schen Schallverstärker für das kleine Glück und Unglück in sich zu tra­gen. Er gab stets kleine Gefühlsmünze in Gold und Silber aus, wäh­rend Ulrich mehr im großen ope­rierte, mit Gedankenschecks sozu­sa­gen, auf denen gewal­tige Ziffern stan­den ; aber schließ­lich war das nur Papier.

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t. 1
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chap. 29  : « Explication et inter­rup­tion d’un état de conscience nor­mal »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 145