Comment épais­sir les che­veux ? Comment ralen­tir la repousse des che­veux ? Comment accé­lé­rer la repousse des che­veux ? Comment pré­ci­pi­ter la chute des che­veux ? Comment faire avec les che­veux ? Quoi faire avec les che­veux ? Quoi faire des che­veux ? Comment faire des che­veux ? Et : Si on les coupe pas, les che­veux, est-ce qu’ils poussent indéfiniment ?

À toutes ces ques­tions comme à toutes les autres il n’y a qu’une réponse. Elle vous sur­pren­drait j’en suis sûr, et je vous la dirai dès que je la connaî­trai. Mais je sais que, quelle que soit la réponse, je res­sen­ti­rai le même genre de trouble que quand, au grand maga­sin de bri­co­lage, un ven­deur du rayon plom­be­rie a dit devant moi et un tuyau :

Oui c’est stan­dard,
mais pas vraiment. 

Rien de plus grand ne peut être pensé.

Et voi­là c’est encore le moment de « man­ger » — preuve maté­rielle que ça sur­vit, effet et cause d’une règle pro­duc­tive, pol­li­ci­ta­tion diges­tive — voi­là c’est encore le moment d’o­béir. Or je sou­haite une vie sans contraintes, véri­fier mes effets dans le monde le plus sou­vent pos­sible hors de mon propre corps — même si je ne veux pas non plus m’empêcher de tour­ner autour du plai­sir pro­je­té d’a­voir été contraint.

I. Une puis­sance si grande que ses effets sont jusque moindres— Franchement c’est bizarre ton truc… — Pas plus que le Thinkerview avec l’ambassadeur chi­nois. — Le Thinkerview avec l’am­bas­sa­deur chi­nois est bizarre à la mesure du monde. Ton truc est bizarre, point. — Nan nan. Le monde est plus bizarre que mon truc. Le monde est plus bizarre que la somme de nos trucs, de nos traits, que la puis­sance conju­guée de toutes nos complexions.

En fait je vou­drais sim­ple­ment ne pas me pri­ver de com­men­cer à jouir par le stan­dard contrai­gnant, par les gros tuyaux libi­di­naux les plus ajus­tés en appa­rence, les plus uni­ver­sel­le­ment contrai­gnants en appa­rence, et que c’est seule­ment après, quand on s’est fau­fi­lé ou vau­tré dans les gros tuyaux bien stan­dard, c’est seule­ment là que s’ouvrent ou se découvrent les voies adja­centes et mineures où pas vrai­ment – qui sont belles et inté­res­santes pré­ci­sé­ment parce qu’elles sont adja­centes et mineures, et parce que donc elles n’ont pas rien à voir avec le stan­dard ini­tial et majeur (et même elles en sont comme les mal­fa­çons, genre : pas de vis défon­cé, défor­ma­tion concave, stries, bosses, mar­brures, réplétions).

— Le monde n’est pas plus ou moins bizarre que n’importe quoi d’autre ; il est émi­nem­ment bizarre, bizarre par émi­nence, par excès de la qua­li­té dont il pro­cède, qua­li­té qu’il n’a pas mais qu’il est. Et ce n’est pas dire « Comme ce monde est bizarre ! » (fris­son plu­ri­ver­sel sous norme uni­ver­selle) que de dire « Le monde est bizarre ». Il l’est abso­lu­ment ; il ne reluit pas de bizar­re­rie par réflexion des normes et des autres bizar­re­ries qu’il contient. Il est bizarre non pas rela­ti­ve­ment à de plus ou moins bizarres exis­tences, et ni par induc­tion ni par déduc­tion d’une bizar­re­rie pre­mière ou totale, par­tielle ou dernière.

En fait je vou­drais pou­voir vou­loir croire que tout stan­dard com­prend son pas vrai­ment – même si bien sûr je ne peux pas vou­loir croire que jouir en mineur c’est sim­ple­ment jouir dans les défec­tuo­si­tés du majeur. C’est trop facile. On sait bien que ça nous accom­mode tant que ça ne nous nique pas. C’est arran­geant, et puis ça nous nique­ra. Ça ne nous nique­ra pas par la morale, en tout cas par direc­te­ment. Ça nous nique­ra par la volup­té refaite valeur. Ça nous nique­ra par les valeurs, comme d’hab.

— Nous recon­nais­sons l’é­mi­nence de la cause dans le défaut de l’ef­fet. — Nous, peut-être. — Plus ça tape fort, moins ça agit en appa­rence. — C’est ce qu’il y aurait à savoir ; c’est ce que nous n’ou­blions jamais. — Moins ça paraît bizarre, plus nous nous véri­fions sous l’empire des normes. — Le monde est sim­ple­ment mais pas vrai­ment nor­mal. — Il est si par­fai­te­ment stan­dard que rien ne lui est ajus­té. — Voilà. La norme du monde est extra­mon­daine. — Mais imma­nente. — Aucune chose n’est jamais stan­dard ; toutes choses créées pour­tant ont le stan­dard. — En par­tie. — En vue. — Sont une image impar­faite, une image tou­chante du stan­dard initial.

— En fait toi tu. Tu parles tu parles mais. Mais der­rière il y a R. — Si si. Nan nan. Il y a ces petites angoisses dans le ventre qui servent à accor­der ma tête et mon cul. — Nan nan. Tu joues les braves mais. Derrière j’t’assure c’est l’désert frère. — Il y a des che­veux dans du pain et tu ne le savais pas. Les chaînes de fast-food font venir des che­veux depuis la Chine et tu ne le savais pas. Afin d’en faire un conser­va­teur essen­tiel au pain indus­triel et peu de gens le savent.

— Nous sommes des poètes ; nous avons le soup­çon. — C’est ça qu’on fait, c’est pour ça qu’on le fait. — Nous insi­nuons le soup­çon devant le stan­dard ini­tial et les ten­ta­tives ulté­rieures de fidé­li­té au stan­dard. — C’est pour ça qu’on est faits. — Bravo à toute l’é­quipe : ceux qui font ; ceux qui insi­nuent le soup­çon. — Merci aux concep­teurs, aux réa­li­sa­teurs, aux contrô­leurs pro­duit. — Merci aux pas de vis en plas­tique qui peluchent, à la colle étanche hydro­phobe les dix pre­mières minutes, au furet qui s’emmêle, à son res­sort mar­tyr. — Merci aux che­veux rêches, aux mèches revêches et bra­vaches qui sont, avec la poé­sie, la preuve maté­rielle, tou­jours recom­men­cée, que le soup­çon était de tout temps justifié.

II. Une char­pie fine comme de la den­telle : une cause d’é­chelle indus­trielleRien n’est nor­mal ; tout est pos­sible. Un homme une femme, un livre un jour, un ache­té un offert, un de plus un de moins, un papa une maman, un flic une balle, un jeune une solu­tion. Cheveux et pain. Tout est une arme par des­ti­na­tion si toi ou la jus­tice le veut. Casuistique et sui­vi des consé­quences jus­qu’au bout. Le côte à côte et le tête à tête sont inter­dits sauf si vous êtes amis.

Tout est pos­sible (peu de gens le savent) ; rien n’est nor­mal (tous en sont convaincus).

Et aucun écart plus grand ne peut être pensé.

Vaccins Covid Vaccin Moderna Psychologie/Développement per­son­nel Je n’arrive pas à vouloir apprendre le monde.
et toutes les villes comptent ces vio­lences du petit peuple dif­fi­cile de faire vivre toutes ces formes socié­tales ensemble. Gouvernance d’amateurs qui n’arrive pas à vouloir com­prendre les malaises de notre société.
Aujourd’hui , cha­cun viens avec sa folie, son bon sens, sa timi­di­té, sa valeur, sa ten­dance… Même si la majorité n’arrive pas à vouloir par­ta­ger la vision d’autrui. J’crois que c’est un gros frein pour cer­tains qui sont pas habi­tué à avan­cer avec le carac­tère des autres.
Et l’on connaît l’a­na­lyse déci­sive de saint Augustin sur cette liber­té qui n’ar­rive pas à vouloir .
Bien que je sache qu’il y a un mal­heur en vue, le seul fait d’être atta­chés à la même corde le donne l’illusion d’une entente entre nous deux. C’est une erreur mais je n’ar­rive pas à vouloir du mal à cette femme qui est en train de me trahir.
À l’issue, Xavier Bertrand affiche un dis­cours plu­tôt paci­fique : « Je ne suis tou­jours pas macro­niste, mais je n’ar­rive pas à vouloir être dans une guerre de tran­chée. » Après, lorsque l’on égrène un à un les dos­siers avec lui, les coups de griffes du chat Bertrand sont plus nom­breux que les caresses.
Écriture basique, des situa­tions aux­quelles on n’ar­rive pas à vouloir croire, des per­son­nages lisses.
finit par se don­ner les motifs de ne rien faire. Il n’ar­rive pas à vouloir , il rumine une inces­sante ana­lyse de lui-même et de la réa­li­té qui le main­tient en dehors de toute volonté.
Je n’arrive pas à vouloir détruire quel­qu’un que je connais pas juste parce qu’il me le demande.
Et donc je n’ar­rive pas à pen­ser des choses heu­reuses je n’arrive pas à vouloir je n’ar­rive pas à me défi­nir je n’arrive.
Dans son genre, cet autre uni­vers est au moins aus­si inté­res­sant que le nôtre et on n’ar­rive pas à vouloir sa des­truc­tion.
Quelque part, ce couple est pri­son­nier de son des­tin et de son époque, il n’ar­rive pas à vouloir véri­ta­ble­ment quelque chose.
Que si un de ses potes se fait mal ou est malade, c’est sur lui qu’on comp­te­ra. Il le sait et n’arrive pas à vouloir du mal aux autres. Il n’arrive pas à sou­hai­ter la bles­sure ou le for­fait d’un copain, et pour­tant, qu’est-ce qu’il aime­rait le jouer ce match. Mais il le savait, il s’en dou­tait et il était prêt.
C’est plus vrai que jamais en ce moment, on n’ar­rive pas à vouloir se sépa­rer de ceux qui nous appau­vrissent tout les jours un peu plus !
Je n’ar­rive pas à vouloir décou­vrir leur musique que je ne connais mal­heu­reu­se­ment pas.
Harper est très convain­cant lorsqu’il dit ce genre de trucs. Et c’est vrai qu’ici notre esprit change, au plus pro­fond. L’auteur du jour­nal intime ne cesse d’évoquer son grand dilemme. Il n’arrive pas à se concen­trer sur sa res­pi­ra­tion. Il  n’arrive pas à vouloir arrive pas à vou­loir se concen­trer. Ta vie est un échec. Une série de mau­vaises déci­sions. Il se déteste. Des choses à régler.
Si je n’ar­rive pas à vouloir ce que je veux ! C’est que je manque d’i­ma­gi­na­tion ! C’est que le cir­cuit du vou­loir m’échappe !
On arrive au malaise dans la rela­tion quand les nor­maux soit font comme si l’autre était comme eux, soit l’i­gnorent car n’ar­rive pas à vouloir voir sa dif­fé­rence. Comme on met sou­vent la per­sonne stig­ma­ti­sée dans cette situa­tion de malaise, elle a toutes les chances de deve­nir la plus habile à la manier.
J’aimerais pou­voir arri­ver à vouloir croire que je ne suis pas le seul.
Je dois écrire sinon je ne sau­rai jamais où est la réa­li­té. J’ai pas mal. Je com­prends tout mais je n’arrive pas à vouloir ce que je pense. Je sais qui j’étais. Je sais ce que je deviens, mais je ne sais pas pour com­bien de temps.
Osons écrire que n’est pas comme l’âne de Buridan qui veut. Oui c’est osé car jus­te­ment, l’âne de Buridan n’arrive pas à vou­loir. Et arri­ver à vou­loir être un être qui n’arrive pas à vouloir c’est vrai­ment fort, n’est-il pas ?
Elle m’a deman­der jusqu’où j’irais et elle m’a dit que pour elle c’était une façon de mettre fin à mes jours. Je le sais mais je  n’arrive pas à vouloir arre­ter, c’est comme si cette solu­tion me conve­nait et en même temps il y a mon fils mais je pré­fère ne pas pen­ser à l’après, a lui pour conti­nuer mon autodestruction.
Face au juge d’instruction, elle eut cette phrase que l’avocat géné­ral sou­ligne à plu­sieurs reprises : « J’ arrive pas à vouloir . » La psy­cho­logue qui la suit depuis bien­tôt deux ans explique que le viol est venu s’ajouter aux mal­trai­tances de l’ex-belle-mère.
Puis, c’est venu comme ça. Et il n’est pas peu fier du résul­tat. Bruno ne sait pas très bien ce qu’il veut faire plus tard. Il  n’arrive pas à vouloir quelque chose de loin. Il pré­fère se satis­faire de ce qu’on a maintenant.
Pardon mes amis, vous êtes morts par ma faute, je  n’arrive pas à vouloir le tuer, pour la pre­mière fois de ma vie, je vais fuir, par­don­nez-moi d’être aus­si faible !
j’ai le cer­veau fait pour ça visi­ble­ment, mes bonnes notes dans le domaine me disent que c’est bon, je peux y arri­ver. Mais je n’y arrive pas, je  n’arrive pas à vouloir , c’est trop dur de se for­cer, d’imaginer une vie de tra­vail à attendre le week end pour se défou­ler, boire, se dro­guer, s’abîmer, oublier puis retour­ner se tuer un peu plus pour avoir de quoi survivre.
Malgré des baisse de pro­duc­tion (en terme de porcs mis en mar­ché), le marché  n’arrive pas à vouloir se débar­ras­ser des inven­taires (Cold sto­rage) encom­brant des der­niers mois.
Déjà, il sait. Irrémédiablement, il a choi­si : le 23 juillet, il se don­ne­ra la mort. Parce qu’il n’arrive pas à vouloir ni à dési­rer, parce qu’il a peur, parce qu’il n’arrive à mettre la main sur rien.
Il a beau être par­fois dégueu­lasse, je  n’arrive pas à vouloir sa mort (heu­reu­se­ment, il meurt pas). Je peux juste me dire : Chaos, t’es trop cool.
Mais il y a de ces situa­tions ou le désir de l’un n’est juste pas com­pa­tible avec le désir de l’autre. Peu importe les argu­ments on  arrive pas à vouloir la même chose. Tu trouves que l’exemple de l’avortement est un peu fort, moi je le trouve au contraire très pertinent.
j’ai pour­tant l’impression de ne pas être dif­fi­cile et d’aimer beau­coup de chose mais force est de consta­ter que je dois l’être ! Mais mal­gré ces décep­tions je  n’arrive pas à vouloir autre chose que des surprises,et je crois plus pro­fon­dé­ment que c’est l’envie d’être ras­su­rée en me disant « lui au moins il me connait par coeur…… »
elle per­çoit que ça ne va pas, elle veut s’en sor­tir, regros­sir, mais a tel­le­ment peur de perdre le contrôle qu’elle n’arrive pas à vouloir ce chan­ge­ment. Elle est coin­cée dans cet état de grand contrôle.
C’est pas Dieu, c’est pas toi, c’est pas nous, c’est pas eux / C’est bien moi qui  arrive pas à vouloir la lueur dans tes yeux / J’étais pas­sa­gère dans ta vie, j’savais que j’avais pas d’avis
Alors que d’une part, il réa­lise et magni­fie l’amour, d’autre part il s’en dis­so­cie for­cé­ment, soit qu’on n’arrive pas à vouloir celui qu’on aime, soit qu’on a besoin de vou­loir d’autres femmes et d’autres hommes.
Et si on ne le fait pas, on fait gagner et pros­pé­rer le mal, parce qu’on a refu­sé ce que Dieu veut nous don­ner et parce qu’on n’arrive pas à vouloir comme lui le triomphe de l’amour chez tous ses enfants.
Le fait est que je l’adore, on est sur la même lon­gueur d’ondes, on a les mêmes délires bla­bla, il est très atti­rant, mais j ’arrive pas à vouloir de lui. je n’ai abso­lu­ment aucune idée de ce qui me bloque.
Pourquoi je n’arrive pas à vouloir le bon­heur et croire en mon ex, que je pense per­vers nar­cis­sique ou du moins toxique, qui avance et a des projets ?
par ce que si t’es une femme en mal d’enfant, tu pour­rais aus­si être mon mari, en mal de sa vie et du pour­quoi il  n’arrive pas à vouloir d’enfant… sauf que pour la fin du texte, cha­cun peut l’interpréter comme il veut !
je fais aucun effort pour contrô­ler ça donc c’est pas du contrôle ni du sang froid, j ’arrive pas à vouloir de mal au autre, par­fois oui, mais seule­ment quand ça touche d’autre per­sonne ou que c’est une injustice
Il doit avoir des blo­cages qui font qu’il n’arrive pas à vouloir s’engager avec vous. Il peut ne pas être prêt, mais la plu­part du temps cela veut sur­tout dire qu’il ne vous voit pas comme la femme de sa vie…
on a essayé une séance de thé­ra­pie de couple… en vain car je  n’arrive pas à vouloir répa­rer car je suis déjà partie…
Ajd nous nous aimons comme jamais nous n’avons aimé d’autres per­sonne nous sommes si heu­reux quand nous sommes ensemble et lui  n’arrive pas à vouloir fran­chir le pas… Ajd je ne crois plus en rien…
Depuis le temps, j’ai l’habitude, je ne chan­ge­rai plus. Mais même quand on me met à terre, je  n’arrive pas à vouloir faire du mal à l’autre. Je n’ai pas l’esprit de ven­geance, du tout. C’est ain­si. Je n’arrive pas à me défendre.
Par exemple, on peut lui dire avec sin­cé­ri­té : « Seigneur, je  n’arrive pas à vouloir obéir à tes com­man­de­ments » ou « Au fond de moi, je sou­haite faire ta volon­té. Mais en pra­tique, je ne suis pas assez motivé(e)… ».
Explication

Un supé­rieur est appe­lé à témoi­gner lors du pro­cès d’un de ses subordonnés.

lapresse.ca, 11 août 2020

Un subor­don­né attend de ses supé­rieurs de l’autorité, du res­pect, des ins­truc­tions claires en amont des opé­ra­tions et pen­dant, et un sou­tien sans faille au cours de l’instruction. Témoin d’une pro­cé­dure, le ser­gent super­vi­seur – qui a conquis son grade en fai­sant la preuve régu­lière de son dis­cer­ne­ment – vient plai­der, sans failles, l’humanité de son subordonné.

Rappeler de l’agent l’humanité – quan­ti­ta­tive : appar­te­nance à l’es­pèce ; et qua­li­ta­tive : sol­li­ci­tude (de gros et de détail) pour l’es­pèce –, c’est ten­ter de por­ter les débats hors de l’agentivité en tant que telle, pour les faire péné­trer la com­po­si­tion d’une âme sin­gu­lière. Gagner l’attention du juge à la sin­gu­la­ri­té de cette âme, c’est faire un pas déci­sif vers l’acquittement de cet agent.

Du haut de la super­vi­sion, la vue est impre­nable sur les qua­li­tés humaines de la quan­ti­té subal­terne. L’autorité qui, en temps nor­mal, est – sur­tout dans les métiers de corps – agence supé­rieure (puis­sance de mettre en mou­ve­ment les agences infé­rieures), est, par temps judi­ciaire, vision supé­rieure (puis­sance de péné­tra­tion du secret des âmes).

Le ser­gent super­vi­seur observe, depuis sa super­vi­sion, la quan­ti­té des pairs humains, s’arme du cri­tère « huma­ni­té », ven­tile cette mul­ti­tude et dis­tingue : un humain excellent per­çant sous l’uniforme, un humain insigne brillant sous l’insigne. On dira : au plan de l’humanité – déter­mi­nant de masse et fac­teur de dis­tinc­tion – en voi­là un qui sort du lot. Ou : chez ce poli­cier, on trouve non sim­ple­ment une quan­ti­té d’humanité sans égale par­mi ses pairs poli­ciers, mais aus­si une qua­li­té d’humanité sans com­mune mesure avec ce qui a cours dans la masse humaine.

Le subal­terne excelle en huma­ni­té qua­li­fiée. Il dépasse d’elle mais sans excès : il affleure au niveau de l’exemple sans man­quer de faire saillir sa sin­gu­la­ri­té. À cet égard, l’apologie du super­vi­seur paraît ris­quée ; dans un métier de corps, « hors pair » pour­rait tra­hir une vel­léi­té de l’agent à se dis­tin­guer, non pas au sein du corps, mais tout bon­ne­ment du corps. C’est ce débor­de­ment pas­sion­nel, cet excès héroïque, qu’il faut évi­ter de faire entre­voir dans la plai­doi­rie. Ce n’est donc pas, dans le super­vi­sé, le poli­cier qui sera pré­di­qué « hors pair » ; c’est le sujet « humain » – au sens de sen­sible et sou­ve­rain certainement.

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Explication

    1. La poix désigne conven­tion­nel­le­ment, d’après Wikipédia, « n’importe quel liquide très vis­queux, qui semble solide ».
      1. Est-ce que « n’importe quel liquide très vis­queux, qui semble solide » est une des­crip­tion de l’usage du mot « poix » ou de la chose elle-même ? Est-ce que c’est la défi­ni­tion de « poix » ou la carac­té­ri­sa­tion de la poix ? Et alors une carac­té­ri­sa­tion par le propre ou par l’espèce ? Est-ce que la poix tient sa sin­gu­la­ri­té dans le monde du fait d’allier sem­blance de soli­di­té et vis­co­si­té effec­tive ? Ou est-ce que par là elle s’apparente à une foule d’autres choses qui se dis­tinguent sur le même mode ? Est-ce que la « sem­blance » de soli­di­té abuse uni­que­ment la vue ou aus­si le tou­cher ? Et si aus­si le tou­cher, pour­quoi est-ce que la vis­co­si­té, au contraire de la soli­di­té, serait épar­gnée des vicis­si­tudes empi­riques de la « sem­blance » ? Pourquoi est-ce qu’on ne dirait pas : une sub­stance qui, sous le rap­port de l’expérience en labo­ra­toire, semble être un liquide d’une grande vis­co­si­té, et sous le rap­port de l’expérience ordi­naire, un corps solide ? Quand, où, à qui, dans quels yeux, sous quels pieds et entre quelles mains, est-ce que la poix « semble solide » ?
      2. La phrase de Wikipédia est elle-même vis­queuse-qui-semble-solide. Ses termes lapi­daires ne l’empêchent pas de gout­ter, de nous cou­ler entre les doigts si on cherche à s’y accro­cher : « poix » ne désigne rien de sub­stan­tiel en propre, mais seule­ment une espèce ou un type de sub­stance (par exemple : poix de résine ou de gou­dron, bitume).
      3. À vrai dire, « poix » ne désigne même pas un type de sub­stances de même ori­gine ou issues d’un même pro­cé­dé d’extraction ou de fabri­ca­tion, mais un ensemble de pro­prié­tés par­mi les­quelles la vis­co­si­té, l’adhérence, l’isolance – toutes extrêmes.
      4. C’est à cette quan­ti­té de qua­li­tés qu’on a don­né un nom com­mun, un nom dont le carac­tère mono­syl­la­bique laisse ima­gi­ner une impo­si­tion très lente, ou bien subite. « Poix » a peut-être été reçu d’un coup, dans l’évidence d’une ana­lo­gie avec un truc déjà nom­mé (sub­stance maté­rielle ou imma­té­rielle, divine ou amie), ou alors « poix » a long­temps tour­né dans les bouches, sous une forme mal dégros­sie d’abord puis de plus en plus raf­fi­née, jusqu’à ce qu’un jour, au bout d’un cer­tain nombre de veillées com­mu­nau­taires autour du feu com­mu­nau­taire, un quin­tes­sen­cier mono­syl­labe ne s’atteste, et là-des­sus un accord infor­mel, sans conver­sa­tion mais par elle, s’établit autour du son « poix » – son aus­si impropre que n’importe quel autre mais pas grave, il va bien tant qu’on le crédite.
      5. Mettons que de ce jour on a ren­du « poix » res­pon­sable d’un savoir liquide. On a mis « poix » en charge d’une réa­li­té mal authen­ti­fiée mais bien dis­po­sée pour l’usage. On a fait usage de poix et de son nom sans souf­frir de n’y avoir atta­ché ni norme ni format.

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Explication

(Compte-ren­du d’une conver­sa­tion col­lec­tive parue dans Legovil 4)

Impayés. Recouvrement. Trier puis agir. Mettez en place un clas­se­ment de vos débi­teurs en trois groupes et ins­ti­tuez un trai­te­ment dif­fé­ren­cié pour cha­cun d’eux. L’efficacité glo­bale de votre recou­vre­ment en sera ain­si accrue.

1. Il peut et il veut. Négligence, retard, erreur du débi­teur, qui effec­tue le paie­ment. Tout rentre dans l’ordre. Votre appel télé­pho­nique vous a fait éco­no­mi­ser des frais d’avocat et / ou d’huissier.

2. Il veut, mais ne peut pas. Votre débi­teur ren­contre d’incontestables dif­fi­cul­tés finan­cières, mais ne conteste pas sa dette. Cette caté­go­rie de dos­sier pose un redou­table pro­blème. Concilier rapi­di­té (car la situa­tion peut se dégra­der et le débi­teur deve­nir tota­le­ment insol­vable…) et ges­tion du rap­port entre le coût du recou­vre­ment et les sommes recou­vrées (pour ne pas en plus perdre de l’argent). C’est pour­quoi, dans ces dos­siers, il est sou­vent oppor­tun de négo­cier un paie­ment éche­lon­né. A défaut de paie­ment, faites le point avec votre expert comp­table. Provision en défaut de paie­ment ; éven­tuel­le­ment : récu­pé­ra­tion de la TVA déjà rever­sée au Trésor. Constituez-vous un bon dos­sier prou­vant les dif­fi­cul­tés de recou­vre­ment de votre créance. Copie des relances et des rap­pels infructueux.

3. Il peut mais ne veut pas. Pas de sou­ci finan­cier en ce qui le concerne, mais il estime être en mesure de refu­ser de payer. Au-delà de la négo­cia­tion, face à ce type de client, vous serez peut-être ame­né à enta­mer une pro­cé­dure. Plusieurs pos­si­bi­li­tés sont ouvertes selon la nature du motif du refus de payer, à étu­dier avec votre avo­cat et votre huis­sier. Pour cette caté­go­rie de dos­sier, le coût d’éventuelles pro­cé­dures judi­ciaires n’est pas à com­pa­rer avec les chances de recou­vre­ment mais avec les chances de suc­cès, c’est-à-dire avec la qua­li­té des motifs de refus de payer.

Rangez votre débi­teur dans une des trois caté­go­ries pré­cé­dentes. Agissez en conséquence.

(« Avis & Conseil Entreprises »,
14 mars 2006)

Sur l’i­mage ci-des­sous, nous avons une repré­sen­ta­tion gra­phique inexacte de la typo­lo­gie d’Avis & Conseil Entreprises. Inexacte, puisque l’item ori­gi­nal « il peut et il veut » a été rem­pla­cé – inat­ten­tion ou geste cri­tique ? – par « il veut et il peut ». De plus, notre typo­lo­gie, mais cette fois au même titre que l’originale, est incom­plète. Une typo­lo­gie com­plète des débi­teurs dis­tin­gue­rait, au point de vue logique, les énon­cés en fonc­tion de la place qu’y occupent les verbes déontiques :

Il peut et il veut. ≠ Il veut et il peut.
Il veut mais ne peut pas. ≠ Il peut mais ne veut pas.
Il ne veut pas mais peut. ≠ Il ne peut pas mais veut.
Il ne peut pas et ne veut pas. ≠ Il ne veut pas et ne peut pas.

À ces énon­cés on pour­rait en ajou­ter d’autres, sur la base d’une inter­pré­ta­tion dif­fé­ren­ciée des conjonc­tions et et mais.

Il peut mais il veut. ≠ Il peut et il veut.
Il veut mais il peut. ≠ Il veut et il peut.
Il veut et ne peut pas. ≠ Il veut mais ne peut pas.
Il peut et ne veut pas. ≠ Il peut mais ne veut pas.
Il ne veut pas et peut.≠ Il ne veut pas mais peut.
Il ne peut pas et veut. ≠ Il ne peut pas mais veut.
Il ne peut pas mais ne veut pas. ≠ Il ne peut pas et ne veut pas.
Il ne veut pas mais ne peut pas.≠ Il ne veut pas et ne peut pas.

En algèbre, l’opérateur ‘mais’ conjoint une enve­loppe (som­ma­tion) et sa néga­tion, soit :

mais = ‘et’ et ‘non’

Cette conjonc­tion n’est pas un gain sec, mais une com­pli­ca­tion du crédit.

Notons tout de même, quelle que soit la typo­lo­gie consi­dé­rée, l’absence du verbe devoir du jeu des déon­tiques ; c’est que, comme sur les Tables de la Loi (thou shall not kill, du soll­st nicht töten…), devoir est tuté­laire : nulle dette ne se pense sans un devoir pre­mier. Le poids de la dette est en effet une expres­sion de la gra­vi­tas (pour un paral­lèle avec le poids du péché, se rap­por­ter à Swedenborg, La nou­velle Jérusalem et sa doc­trine céleste, la repen­tance et la rémis­sion des péchés, 1821, §166). Par sou­ci de clar­té, ren­dons visible l’ombre por­tée de devoir sur vou­loir et pou­voir :

Il doit, veut, et peut.
Il doit, veut, mais ne peut pas.
Il doit, peut, mais ne veut pas.

La tutelle ren­due patente, pro­fi­tons-en pour men­tion­ner une autre évi­dence, qui, à force de flot­ter, s’oublie peut-être : les déon­tiques ont ici une valeur auxi­liaire. Ils sont au ser­vice d’une moda­li­sa­tion d’un unique verbe, qui indique l’horizon réso­lu­tif (et rémis­sif) du pro­blème de la dette : payer (remettre). Soit :

i) Il doit payer (remettre), veut payer (remettre), et peut payer (remettre).
ii) Il doit payer (remettre), veut payer (remettre), mais ne peut pas payer (remettre).
iii) Il doit payer (remettre), peut payer (remettre), mais ne veut pas payer (remettre).

En outre, l’objet du paie­ment, si on le réta­blit, ferme tau­to­lo­gi­que­ment chaque pro­po­si­tion, puisque, en géné­ral, ce que le débi­teur doit payer, ça n’est rien d’autre que ce qu’il doit. Soit :

i) Il doit payer ce qu’il doit, veut payer ce qu’il doit, et peut payer ce qu’il doit.
ii) Il doit payer ce qu’il doit, veut payer ce qu’il doit, mais [‘et’ et ‘non’] ne peut pas payer ce qu’il doit.
iii) Il doit payer ce qu’il doit, peut payer ce qu’il doit, mais [‘et’ et ‘non’] ne veut pas payer ce qu’il doit.

Il faut par­ti­cu­liè­re­ment insis­ter sur le fait que, du point de vue du cré­di­teur lan­cé dans l’échelle des démarches – du simple coup de télé­phone à l’envoi d’un huis­sier pour entame d’une pro­cé­dure de recou­vre­ment – l’horizon réso­lu­tif se dit dans une actua­li­sa­tion qui, en der­nier lieu, annule toutes les modalisations :

Il va payer.

Propitiation ? Pas si sûr. Le cré­di­teur a la main sur sa créa­ture débi­teuse. Il peut – par exemple à l’égard du second débi­teur – faire preuve de man­sué­tude. En effet, du point de vue du cré­di­teur, alors que les débi­teurs 1 et 3 vont payer ce qu’ils doivent, le débi­teur 2 béné­fi­cie d’une rémis­sion négo­ciée : il va payer ce qu’il peut, comme il peut. Cette indul­gence à l’égard du deuxième type de débi­teur est une prime don­née à l’innocence du vou­loir. L’innocence du vou­loir entraîne une culpa­bi­li­té par­tielle, puisqu’elle pro­cède d’un empê­che­ment, d’une limi­ta­tion du pou­voir. Le débi­teur 2, en tant qu’empêché, est un hon­nête pécheur ou un tri­cheur sin­cère. Il convient de l’aider à retrou­ver le droit chemin.

La banque me dit allez voir les flics. Je vais voir les flics. Ils me disent allez voir les impôts. Je vais voir les impôts. Ils me disent allez voir la banque. Je vais voir la banque. La banque me dit allez voir les flics. Après quelques tours, j’arrive à m’expulser du manège et je tombe sur le bon­homme Voilà, l’huissier. Il est tel­le­ment heu­reux de tom­ber sur une bonne foi qu’il se montre immé­dia­te­ment arrangeant,réduit la fac­ture et débloque mes comptes. Il récom­pense mon non-ména­ge­ment. Il me paie mes tours de manèges.

« Votre débi­teur ren­contre d’incontestables dif­fi­cul­tés finan­cières, mais ne conteste pas sa dette. Cette caté­go­rie de dos­sier pose un redou­table problème. »

Les dif­fi­cul­tés sont incon­tes­tables, la dette fron­tale et aveu­glante, le pro­blème dif­fi­cile : la situa­tion est en ce sens tra­gique. La bonne conscience prend le tour de la tor­peur et de la contri­tion. Rien ne garan­tit la ré­mi­nis­cence. « Pour assu­rer le retour de la ré­mi­nis­cence, il fau­drait repar­tir de l’amorce de sens qu’elle auto­rise. » (M. Richir, Fragm. Phénom. Tps & Esp., 150). C’est pour­tant ce dé­ta­che­ment au Sens qui sur­prend… « La ré­mi­nis­cence fran­chit le Sens par excep­tion, dans la sur­prise. » (Ibid., p.151). Si l’impossibilité de payer est ain­si vécue sur le mode de la sur­prise inquiète, la per­sonne est jugée res­pec­table. L’innocence du deuxième débi­teur du point de vue de l’intention, l’innocence de son vou­loir, est un élé­ment qui ne des­serre pas, lui, le nœud tra­gique, mais contri­bue au contraire à le nouer davan­tage : il y a contra­dic­tion du vou­loir et du pou­voir. Le conflit devient conflit des forces et des intérêts.

La contra­dic­tion tra­gique du vou­loir et du pou­voir est enga­gée : on vou­drait par exemple marier une femme, mais [‘et’ et ‘non’] accé­der à ce désir ferait de nous [de la per­sonne entière, non frag­men­tée par la sur­prise inquiète] l’ennemi du père, soit – par alliance – l’ennemi héré­di­taire du père. Il y a une tota­li­té cir­cu­laire du pro­blème, une inex­tri­ca­bi­li­té du nœud qui oblige à une ana­lyse plus appro­fon­die. On ne peut pas divi­ser le pro­blème. Il n’est pas ici ques­tion de mar­chan­dise, mais de l’objet dans son sens le plus hau­te­ment mé­ta­phy­sique : son carac­tère cen­tra­li­sa­teur (dont la forme poli­ti­que­ment mani­feste se tra­duit dans l’errance rela­tive autour de la dé­fi­ni­tion de l’ennemi). Le dif­fé­rend éco­no­mique est une rela­tion poli­tique sans sujet, la pire de toutes parce que la plus impla­ca­ble­ment irré­duc­tible au cir­cuit de la média­tion. L’aboutissement tra­gique est alors : « tota­le­ment insol­vable ». La totale insol­va­bi­li­té du débi­teur est le moteur de l’action et son minu­teur : il faut agir vite, s’organiser rapi­de­ment (pour résis­ter à l’oubli et l’entropie des engagements).

Face au deuxième débi­teur, la mise en place d’un éche­lon­nage des rem­bour­se­ments est une façon de décou­per le noeud, de divi­ser le pro­blème tra­gique, de réin­tro­duire une échelle et ses variables hypo­sta­tiques. L’horloge dis­crète du temps échéant se met à tour­ner légè­re­ment moins vite. Une occa­sion est offerte de quit­ter la tra­gé­die pour entrer dans l’espace logique du drame : la tra­gé­die était la conver­gence fatale des moyens insuf­fi­sants et des fins néces­saires, le drame est ce qui se résout quand on met les moyens. On passe de la sur­prise inquiète au convoi de la négociation.

À quel moment des rap­ports his­to­riques entre drame et tra­gé­die se trouve-t-on ? Quel est notre rap­port à la dette ? La tra­gé­die trouve son abou­tis­se­ment déjà pres­crit dans l’insolvabilité radi­cale du débi­teur, ergo sa liqui­da­tion, sa mort en tant que puis­sance finan­cière et source d’argent. Dans le drame, peut encore se nouer un pro­blème – notam­ment celui du han­di­cap dou­lou­reux du débi­teur. La posi­tion du pro­blème nous fait pas­ser de la pure angoisse rela­tive à la forme de l’oubli dans l’expérience plus modé­rée de la perte d’historicité. Quand tu es en état d’in­sol­va­bi­li­té, tu es dans la stu­peur, alors que quand tu rentres dans le cir­cuit de la média­tion du rem­bour­se­ment, tu es juste dans une alié­na­tion rela­tive qui se mani­feste comme une perte d’his­to­ri­ci­té – l’Histoire étant l’élément rela­tif du drame, par oppo­si­tion à la trans­gres­sion tra­gique comme situa­tion abso­lue. L’inter-dit sup­plante le non dit.

Si le débi­teur peut mais ne veut pas – cas de figure numé­ro 3 – les moyens à déployer pour le contraindre sont déjà connus : il faut tou­cher aux pro­prié­tés qui seraient natu­rel­le­ment celles du drame de la sai­sie. Le deuxième débi­teur, lui, tend à échap­per à la pos­si­bi­li­té de la saisie.

Le seul, dans cette typo­lo­gie, qui soit cou­pable tota­le­ment, c’est le débi­teur numé­ro 3 : il l’est au plan du vou­loir et au plan du pou­voir. C’est le seul à com­mettre un crime carac­té­ri­sé, et à appe­ler une réponse pro­cé­du­rale. Il n’est pas aimable ; on ne trai­te­ra pas avec lui à l’amiable. L’abandon du mau­vais axe, du mau­vais pivot relève d’une ques­tion de principe.

« Nous connais­sons les gens qui ont des com­bines pour échap­per aux manoeuvres de la machine de recou­vre­ment et de l’échéancière gra­cile. Nous savons quel est le trai­te­ment à leur faire subir. »

Cette
socié­té du Gabon
à qui il était demandé
, par la justice,
3906 € d’impayés.Une lettre lui est envoyée,
comme des pigeons à la figure.
La magna­ni­mi­té colon n’est plus ; reste
le com­plexe postcolonial :

On n’a plus l’Empire et en plus,
ils nous la mettent
à l’envers.

forme libidinale de la dette et mort de danton

– Et toi, pour­quoi tu t’intéresses tant, par exemple quand tu parles des cré­di­teurs, à la libi­do ? Tu dis « la jouis­sance » comme si tu fai­sais un poème ou un avis & conseil entreprises.

– Je ne sau­rais pas en par­ler avec pré­ci­sion, mais je crois qu’on a affaire à deux choses. On a affaire à un sys­tème. Le sys­tème, c’est la typo­lo­gie du conseil & avis entre­prises. Des espèces de fabri­ca­tion de fils invi­sibles qui nous tien­draient, et puis en fait quand on a affaire à un humain : qu’il soit huis­sier, qu’il soit machin, il est encore humain, c’est-à-dire qu’il fait son tra­vail, comme on dit. Et peut-être c’est ça l’es­pace de la jouis­sance : faire plus son tra­vail qu’être encore son métier. Walser, à chaque fois qu’il trou­vait du bou­lot – des trucs à la Bartleby : reco­pier des textes, avec une jour­née entière pour recou­vrer un seul texte – tu vois, à chaque fois Walser il fait son bou­lot super bien,avec ardeur et zèle, et le len­de­main ça l’emmerde, tout à coup il ne fait plus rien, il fait défec­tion mais à son poste, et le sur­len­de­main il quitte son poste. Il va retrou­ver un autre bou­lot où repro­duire le même sché­ma : jouir, ne rien faire, voi­là. Dans l’amour, pareil : il va faire le ménage chez une femme, et cette femme a des grandes chaus­sures avec des talons extra­or­di­naires. Il rêve de lui bai­ser les pieds, d’être le plus bas pos­sible devant celle qui l’embauche. Il jouit de la dési­rer sublime ; il la déteste d’être si laide ; il quitte l’emploi de la dési­rer ou de la haïr.

– Alors Walser, c’était une sorte de sub capricieux ?

– Oui. Dans Le Commis, dès les pre­mières lignes, il est fait droit au per­son­nage prin­ci­pal, un com­mis, qui exige qu’on lui pro­duise les condi­tions opti­males pour s’accomplir comme commis.

– Il veut ren­con­trer sa jouis­sance. Sauf qu’après, sa liber­té, ce sera celle de tout casser…

– Recouvrer la liber­té… Débiter n’importe quoi, c’est-à-dire par­ler sans jamais s’acquitter d’une dette vis-à-vis du lan­gage. Tout cas­ser, c’est alour­dir sa dette.

– Je notais hier le verbe « dés­in­té­res­ser ». Désintéresser, c’est : faire ces­ser l’attente.

– Être dés­in­té­res­sé, c’est avoir tota­le­ment rem­bour­sé sa dette, c’est ça ? C’est un terme technique ?

– Oui… Non… C’est peut-être moi ça… Faire ces­ser l’attente, ne plus impor­ter. Être léger de toute dette, avoir disparu…

– On ne s’est pas trop inté­res­sé à la figure de « il peut et il veut ».

– Oui. Il est enre­gis­tré comme débi­teur acci­den­tel­le­ment. Il a oublié…

– Il est juste à la bourre, oui. On n’a pas trou­vé son adresse, quoi. Il est en retard sur le temps.

– Alors je pense qu’on touche à un point impor­tant. L’homme qui a énon­cé la fin his­to­rique de la tra­gé­die et annon­cé le temps où règne seul le drame inter­mi­nable, c’est un Allemand, il s’appelle Büchner, et c’est dans un texte qui s’appelle La mort de Danton.

– De ce point de vue, il fau­drait peut-être à nou­veau ques­tion­ner les rap­ports entre tra­gé­die et drame. Il s’agit d’imaginer une échelle sur laquelle on dis­tingue les évé­ne­ments, d’une part (sou­dain…, c’est alors que…), des cer­ti­tudes (il est bien enten­du que…), d’autre part.

– Alors, là, il y a un truc à noter ? La mort ?

– Oui…

– Au regard de la dette ?

– Au regard de la dette. Ce que serait la mort pour un regard dra­ma doit être précisé.

– Est-ce que Danton est cou­pable ou inno­cent dans la pièce de Büchner ?

– Ce n’est plus la ques­tion, jus­te­ment. Ou plu­tôt : l’innocence n’est plus ici en question.

– La ques­tion morale a été liquidée ?

– La ques­tion tra­gique a été liquidée.

– J’ai rame­né un filet, je ne sais pas pour­quoi. Je suis vivant dans l’écarté. J’arrive, je vois un filet, je me dis « c’est le débi­teur son filet », ou « le recou­vreur son filet ». Il me semble que la ces­sa­tion des temps propres à la sur­prise inquiète est aus­si l’occasion d’une cen­tra­tion de l’échelle sous la forme d’une toile, par exemple. J’ai appris dans la dette qu’il était ques­tion de cap­ture jusqu’en dehors d’elle.

Il y avait ce
Monsieur espagnol,
robin des bois des banques
qui enchaî­nait les cré­dits pour la cause
anticapitaliste.Il édite un jour­nal avec de l’argent
qu’il n’a pas. Dans ce journal,
il décrit les méthodes pour
finan­cer la cause qu’on a
avec de l’argent qu’on n’a pas.

Kenneth Goldsmith est un poète amé­ri­cain, pri­mé par le MOMA et reçu à la Maison Blanche, qui a bâti son œuvre et sa répu­ta­tion sur la pra­tique et l’his­to­ri­ci­sa­tion de la « non-expres­si­vi­té » et de la « non-ori­gi­na­li­té ». Le 13 mars 2015, Goldsmith a lu en public, dans une uni­ver­si­té amé­ri­caine, un poème inti­tu­lé The Body of Michael Brown qui consis­tait en la reprise, pré­sen­tée comme lit­té­rale, du texte du rap­port d’au­top­sie d’un jeune homme noir assas­si­né par un offi­cier de police le 9 août 2014 1. Répondant aux contro­verses nées de cette lec­ture, Goldsmith s’est récem­ment posé en vic­time d’une cen­sure morale venant de la gauche.

Cette jus­ti­fi­ca­tion fait suite à une une décla­ra­tion qua­si mar­ty­ro­lo­gique dans laquelle il affirme avoir sim­ple­ment repro­duit le texte de l’au­top­sie – sans l’édi­to­ria­li­ser (mot anglais pou­vant signi­fier « inter­pré­ter » ou « angler », dans le jar­gon jour­na­lis­tique) –, défen­dant une pra­tique de la lit­té­ra­li­té qui indique (guck mal !), mais l’air de rien et sans la sou­li­gner, la teneur ou la charge idéo­lo­gique du docu­ment source. La robe du grand mage débus­queur d’i­déo­lo­gies s’é­raille cepen­dant lorsque Goldsmith admet avoir alté­ré le texte pour pro­duire un effet poé­tique (« alte­red the text for poe­tic effect »), tra­duit en anglais stan­dard des termes du lexique médi­cal qui seraient demeu­rés obs­curs et auraient inter­rom­pu le flux du texte (« trans­la­ted into plain English many obs­cure medi­cal terms that would have stop­ped the flow of the text ») et nar­ra­ti­vi­sé le texte de manière à le rendre moins didac­tique et plus lit­té­raire (« nar­ra­ti­vi­zed it in ways that made the text less didac­tic and more lite­ra­ry »)2.

Que ces ajus­te­ments, retouches, alté­ra­tions du texte d’o­ri­gine ne soient pas per­çus comme des écarts consé­quents par rap­port au vœu de lit­té­ra­li­té inter­roge. Quel genre de théo­rie du lan­gage sup­pose ces pro­cé­dures non-expres­sives ? Quel ter­ri­toire un terme comme « édi­to­ria­li­ser » recouvre-t-il si de tels arran­ge­ments en sont exclus ? Quel « art poé­tique » s’ac­com­mode de la pola­ri­té lit­té­raire vs. didac­tique ?

Plus loin, Goldsmith dit n’a­voir ajou­té ni alté­ré un seul mot ou sen­ti­ment qui ne pré­exis­tât dans le texte d’o­ri­gine (« That said, I didn’t add or alter a single word or sen­ti­ment that did not preexist in the ori­gi­nal text. »). Un lit­té­ra­liste décla­ré affirme donc que la pré­cau­tion qui consiste à pré­ser­ver un lexique ou un registre sen­ti­men­tal suf­fit à tenir le ser­ment de loyau­té à l’é­gard d’un texte. Mais quelle est, au juste, la nature d’une loyau­té au seul « scribe » – celui dont on prend la peine de cor­ri­ger l’ex­pres­sion ?

On dit : le remon­tage de l’ex­pé­rience du témoin est un pro­blème dra­ma­tur­gique vieux comme le pre­mier crime. La réécri­ture « cor­rec­trice » de l’ex­pé­rience du scribe fait, elle, en 2015, écho aux pra­tiques plus anciennes du clerc : assi­mi­la­tion de l’ex­pé­rience indi­vi­duelle à un cor­pus sty­li­sé (pié­gé dans la caté­go­rie dra­ma­tique de l’épi­pha­nie qu’on peut aus­si bien appe­ler brea­king news), cor­pus auquel est confé­ré le pri­vi­lège du caprice dans la dési­gna­tion, la nomi­na­tion et la domes­ti­ca­tion du flux. Ainsi le pro­gramme de non-expres­si­vi­té et de non-ori­gi­na­li­té s’ap­puie-t-il com­mo­dé­ment sur des énon­cés ori­gi­naux qu’il s’ap­pro­prie dans la tra­di­tion (et dans le préau) de l’a­ca­dé­mie, celle qui aliène en pré­ten­dant transmettre.

Le même pro­blème dra­ma­tur­gique s’é­tait posé à l’oc­ca­sion de l’ex­po­si­tion exhi­bit b, dont les orga­ni­sa­teurs ont répon­du aux accu­sa­tions de racisme par une décla­ra­tion dont le fond était que leur bonne foi d’an­ti­ra­cistes suf­fi­sait à pous­ser du bon côté du regard la repro­duc­tion de tableaux vivants par des acteurs noirs in situ. Le fait que la repro­duc­tion lit­té­rale, par des agents ins­ti­tu­tion­nels, de zoos humains à l’in­té­rieur d’un théâtre, se fût heur­tée à des mani­fes­ta­tions de non-acteurs éga­le­ment vivants et éga­le­ment noirs à l’ex­té­rieur du théâtre, consti­tue un énon­cé d’une « lit­té­ra­li­té » qu’au­cune glose ne sau­rait réduire : à par­tir de main­te­nant, se laver les mains dans la grande tra­di­tion cathar­tique au sein d’une socié­té bâtie et nour­rie sur l’ex­ploi­ta­tion et sa douce his­to­ri­sa­tion dans l’ordre des Grandes Découvertes (l’es­cla­vage comme « contact » anthro­po­lo­gique, la colo­ni­sa­tion comme « middle ground » etc.), ne sera plus possible.

Cette idéo­lo­gie, qui a pro­duit des car­to­gra­phies molaires aux pay­sages dis­con­ti­nus, trouve son pro­lon­ge­ment dans la foi de l’ins­ti­tu­tion en son contexte comme pay­sage de repro­duc­tion d’ex­cep­tion (non-pro­blé­ma­tique en soi). À cette confiance, les non-acteurs répondent par la convo­ca­tion d’un contexte plus large, celui d’une socié­té dans laquelle le racisme est consi­dé­ré comme une tache (« le can­cer de la socié­té ») pour évi­ter d’être trai­té comme mode, la col­lec­tion d’é­non­cés qui va du cri de singe aux jets de bananes occul­tant la fabrique insi­dieuse du racisme ins­ti­tu­tion­nel. Ainsi, en 2015, des non-acteurs à l’ex­té­rieur du théâtre ont une connais­sance plus fine des pro­blèmes de poé­tique et de dra­ma­tur­gie que des artistes, à l’in­té­rieur.

Le geste de Goldsmith rapa­trie un corps noir dans le dis­cours bio­lo­gi­sant de l’u­ni­ver­sa­lisme blanc (fait d’une col­lec­tion d’é­non­cés sans cesse contre­dits par la per­ma­nence de l’ex­ploi­ta­tion) et dit, depuis l’in­té­rieur du théâtre, ce que ses énon­cés dis­si­mulent sous le va-de-soi de l’anti­ra­cisme : « une fois morts nous serons égaux ». En fait de lit­té­ra­li­té, son geste ne fait que pré­ser­ver l’é­qui­for­mi­té de son docu­ment source3, mais il défère à son texte (par les modi­fi­ca­tions men­tion­nées tout à l’heure, les cor­rec­tions de clerc) le sta­tut de docu­ment de culture soli­daire d’un ordre dra­ma­tur­gique soli­daire d’un ordre ins­ti­tu­tion­nel ; aus­si n’y a‑t-il rien d’é­ton­nant à ce que son geste appelle, en fin de compte, le même ordre de com­men­taires que ceux pro­duits par sa cause (le défendre en défi­nis­sant l’art concep­tuel comme pain sti­mu­lus ne fait que confir­mer ceci : la carte des affects sus­ci­tés par une telle œuvre est super­po­sable à celle de ceux sus­ci­tés par le meurtre lui-même).

C’est ain­si que la concep­tua­li­té, en par­tie parce que décré­tée de l’in­té­rieur, rejoint les dis­cours for­ma­li­sa­teurs et indexa­teurs (rap­ports, gloses, exper­tises). Et c’est ain­si que Goldsmith, plein d’une foi dans son geste et dans une dra­ma­tur­gie qui l’ex­cepte (foi résu­mée dans la célé­bra­tion d’une force du décon­texte), se voit confir­mé dans son rôle de clerc.

  1. Le rap­port d’au­top­sie est libre d’ac­cès (pdf, 6 pages, 15,7Mo)
  2. Une der­nière retouche, concer­nant l’a­gen­ce­ment, n’est pas men­tion­née par l’au­teur dans ce mes­sage : la des­crip­tion des par­ties géni­tales de M. Brown a été dépla­cée en toute fin de texte, comme la sou­li­gnant de fait et cou­ron­nant l’en­semble du texte, ce qui ne peut sus­ci­ter un simple com­men­taire mais appelle pro­ba­ble­ment un expo­sé long-comme-ma-bite sur les per­cep­tions et repré­sen­ta­tions du « corps noir ».
  3. L.L. de Mars, dans Synoptikon II – dérive du lit­té­ral (Pré Carré 3), et à pro­pos de tout autre chose, fait la dif­fé­rence entre la lit­té­ra­li­té sou­mise à sa cause énon­cée (« elle traque une fidé­li­té à sa cause — par une har­mo­nique for­melle, une équi­for­mi­té déjà bien pro­blé­ma­tique — qui garan­ti­rait la forme idéa­le­ment sans reste sus­cep­tible de ren­voyer aux condi­tions de sa réa­li­sa­tion, et auto­ri­sant le même ordre des com­men­taires, des inter­pré­ta­tions, des pro­po­si­tions. On peut déjà s’interroger sur le sens d’une forme pro­gram­ma­ti­que­ment moti­vée par sa dis­pa­ri­tion même… ») et la lit­té­ra­li­té qui abo­lit le sup­po­sé rap­port, pri­mor­dial, cau­sal de l’énoncé sur la repré­sen­ta­tion (« c’est dans la mor­sure imper­cep­tible d’un corps sur l’autre que l’énoncé et l’image qui en rend compte font de la lit­té­ra­li­té une rela­tion réci­proque. »). Le texte de Goldsmith appar­tient à la pre­mière caté­go­rie ; ce n’est qu’une image – infi­ni­ment expres­sive – de son propre condi­tion­ne­ment. L’ambition, celle d’une désub­jec­ti­va­tion des modes de repré­sen­ta­tion, est non seule­ment man­quée mais contre­dite par une décla­ra­tion de lit­té­ra­li­té qui ignore le biais cultu­rel par lequel elle paie son tri­but à l’é­non­cé de réfé­rence. Autrement dit, sa pro­cé­dure n’ac­com­plit pas un décon­texte radi­cal, elle pro­duit un recon­texte spec­ta­cu­la­ri­sant.