Lyotard résumant Antisthène : « Qu’il n’y a nulle définition de chose, mais seulement nominale, que toute proposition définitionnelle est de type déictique : ceci est Socrate, que les jugements en général sont de forme non pas attributive, mais événementielle, comme : Socrate musicien (= Socrate est en train de s’adonner aux Muses). Partant, qu’il n’y a pas de contradiction possible entre deux interlocuteurs, car ou bien ils parlent de la même chose, et il faut alors qu’ils emploient les mêmes mots, ou bien si leurs énoncés diffèrent, c’est qu’ils désignent des choses différentes. (…) Et qu’il n’y a pas non plus d’erreur en dépit de ce qu’on vient de dire : car si l’un appelle femme un homme, c’est qu’il parle d’un autre objet, lequel n’est pas moins réel que celui dont il s’agit, puisqu’il en parle. Il n’y a pas d’erreur parce qu’il n’y a pas de non-être. L’être est le nommé ; toute nomination est institution d’une « perspective », c’est-à-dire d’être.
Singulière logique, obstinément attentive aux actes « élémentaires » de langage, les considérant comme autant de prises de perspective ou de décision sur les choses, jamais comme des adéquations à un objet dont on pourrait savoir d’ailleurs ce qu’il est. Aristote la raille comme une logique des juxtapositions : rien n’est plus exact. Les diversités pascaliennes en sont proches.
Ce qui « menace » (mais Pascal craint-il de perdre le magistère du vrai?) la position pascalienne, c’est la même affirmation qui est refoulée sous les noms de scepticisme, cynisme, nominalisme, pragmatisme, empirisme – « perspectivisme » (nietzschéen) : il n’y a pas d’intelligible, ni réel ni conçu, définissable en général. Il n’y a pas de pensée. Car pour qu’un jugement puisse être vrai, il faut qu’un métalangage vienne l’autoriser ; or il n’y a pas de maître pour proférer ce métadiscours.