Ainsi donc, même en ce qui concerne le simple projet de rétablissement, les objectifs et les conceptions de l’état à rétablir sont variables ; bien plus : chaque société en particulier détermine sa propre « norme » de retour à la santé. Pour la société capitaliste la santé c’est l’aptitude à gagner sa vie, pour les Grecs, celle à jouir de la vie ; pour le Moyen Age, c’est la faculté de croire : la maladie passait alors pour un péché (de là l’horrible traitement infligé aux fous que l’on couvrait de chaînes et que l’on jetait au cachot); le mieux réussi était donc celui qui commettait le moins de péchés. C’est ainsi que Catherine de Sienne qui, aux yeux de tout médecin bourgeois éclairé d’aujourd’hui, est une hystérique, était considérée comme tout ce qu’il y avait de plus normal. Il ne serait jamais venu à l’idée d’un médecin médiéval de vouloir guérir le genre de phénomène incarné par cette femme, d’ailleurs semblable intervention n’aurait pas signifié le retour salutaire à un état prétendument originel, mais bien la métamorphose en un état alors encore presque inexistant, partant l’acquisition d’une santé reconnue ultérieurement seulement et considérée comme normale par l’homme moderne. De même, aussi grand médecin que pût être Jésus et aussi bonne pharmacienne que pût être son Eglise, la guérison des malades par la prière eût été incompréhensible en des temps pieux. Car si le Moyen Age connaissait les prières sudorifiques, laxatives et propres à apaiser les convulsions, il ignorait tout de celles destinées à rendre à l’homme d’affaires son rendement
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