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Telle serait la diablerie en matière de théorie (fort éloignée du diabolisme) qu’on y préfère laisser courir la puissance d’inventer plutôt que consolider par des preuves les nouveautés qu’on propose. Encore est-ce peu dire : on préfère se mettre en situation d’avoir à inventer plutôt que de rester en position d’avoir à prouver. C’est ainsi qu’on « décide » de cesser de répondre, qu’on se fait irresponsable, et qu’on s’exclut de la société savante. L’intelligence théorique se fait insensible aux arguments, aux sic et non, aux valeurs du savoir, aux mathèmes. Elle désire le nouveau, nur aus wissenschaftlicher Neugierde ; mais alors quelle singulière « scientificité », qui se laisse aller [sich hingeben] à cette convoitise (le radical -gierde est très fort : Du sollst nicht begeheren deines Nächsten Weib), qui se livre à cette convoitise pour le neuf, comme à une débauche ! La débauche en matière de savoir est de poursuivre l’idée soweit et führt, aussi loin qu’elle mène, de désirer le soweit, l’espace même où file l’idée en tant que cet espace ne cesse de s’ouvrir, le fil de l’idée, son Gang, déployant au-devant d’elle de nouvelles surfaces de pensée, de possibilités d’énoncés inouïs.

Rudiments païens
Union générale d’éditions 1977
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