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Lyotard, Rudiments païens

Telle serait la dia­ble­rie en matière de théo­rie (fort éloi­gnée du dia­bo­lisme) qu’on y pré­fère lais­ser cou­rir la puis­sance d’in­ven­ter plu­tôt que conso­li­der par des preuves les nou­veau­tés qu’on pro­pose. Encore est-ce peu dire : on pré­fère se mettre en situa­tion d’a­voir à inven­ter plu­tôt que de res­ter en posi­tion d’a­voir à prou­ver. C’est ain­si qu’on « décide » de ces­ser de répondre, qu’on se fait irres­pon­sable, et qu’on s’exclut de la socié­té savante. L’intelligence théo­rique se fait insen­sible aux argu­ments, aux sic et non, aux valeurs du savoir, aux mathèmes. Elle désire le nou­veau, nur aus wis­sen­schaft­li­cher Neugierde ; mais alors quelle sin­gu­lière « scien­ti­fi­ci­té », qui se laisse aller [sich hin­ge­ben] à cette convoi­tise (le radi­cal -gierde est très fort : Du soll­st nicht bege­he­ren deines Nächsten Weib), qui se livre à cette convoi­tise pour le neuf, comme à une débauche ! La débauche en matière de savoir est de pour­suivre l’idée soweit et führt, aus­si loin qu’elle mène, de dési­rer le soweit, l’espace même où file l’idée en tant que cet espace ne cesse de s’ouvrir, le fil de l’idée, son Gang, déployant au-devant d’elle de nou­velles sur­faces de pen­sée, de pos­si­bi­li­tés d’énoncés inouïs.