18 06 17

Pour par­ler sérieu­se­ment, je crois qu’il y a de bons motifs d’espérer que tout dog­ma­tisme en phi­lo­so­phie — quelle que fût son atti­tude solen­nelle et qua­si-défi­ni­tive — n’a été qu’un noble enfan­tillage et un bal­bu­tie­ment. Et peut-être le temps n’est-il pas éloi­gné où l’on com­pren­dra sans cesse à nou­veau ce qui, en somme, suf­fit à for­mer la pierre fon­da­men­tale d’un pareil édi­fice phi­lo­so­phique, sublime et abso­lu, tel que l’élevèrent jusqu’à pré­sent les dog­ma­tiques. Ce fut une super­sti­tion popu­laire quel­conque, datant des temps les plus recu­lés (comme, par exemple, la super­sti­tion de l’âme qui est encore la cause de la super­sti­tion du sujet ou du je) ; ce fut peut-être un jeu de mot quel­conque, une équi­voque gram­ma­ti­cale, ou quelque géné­ra­li­sa­tion témé­raire de faits très res­treints, très per­son­nels, très humains, trop humains.

Par delà le bien et le mal. Prélude d’une phi­lo­so­phie de l’a­ve­nir [Jenseits von Gut und Böse. Vorspiel einer Philosophie der Zukunft (1886)]
trad. Henri Albert
Mercure de France 1913
âme/corps dogmatisme enfantillage je superstition