18 06 17

Klossowski, Nietzsche et le cercle vicieux

Ainsi la puis­sance à l’œuvre dans la pro­pa­ga­tion de l’espèce, consi­dé­rée désor­mais en tant que sup­pôt unique de l’existence, aurait atteint à un état d’équilibre : en tant que celui-ci se véri­fie­rait par la fixi­té de l’espèce. Mais (comme Nietzsche l’a démon­tré selon la théo­rie de l’énergie) la puis­sance répugne à tout état d’équilibre et le rompt par son aug­men­ta­tion : de même, en tant que pro­pa­ga­tion, excède-t-elle aus­si l’espèce humaine, en tant que sup­pôt unique de l’exis­tence : et c’est en l’excédant que la puis­sance fait de l’espèce une mons­truo­si­té pul­lu­lante : à ce stade, l’espèce n’est plus maî­tresse de son des­tin : c’est en vain que la puis­sance cher­che­rait à s’épuiser en un nou­veau sup­pôt, et ain­si il lui faut reve­nir tou­jours au même, jusqu’à la totale usure de ce der­nier. A cette repro­duc­tion absurde, s’oppose l’absurdité de l’Éternel Retour, encore qu’il s’agisse du même Cercle vicieux. La déva­lo­ri­sa­tion totale par la pro­pa­ga­tion de l’espèce, en tant que sup­pôt usur­pa­teur de l’existence, ne trouve sa contre­par­tie que dans le cas sin­gu­lier : en lui, la puis­sance excé­den­taire trouve son image, l’image du hasard : car le cas sin­gu­lier ne se défi­nit que néga­ti­ve­ment par rap­port à la gré­ga­ri­té et posi­ti­ve­ment à l’égard de la puis­sance : le cas sin­gu­lier n’est pas héré­di­taire, ne trans­met pas son ori­gi­na­li­té : il est au contraire une menace pour l’espèce en tant qu’espèce : par rap­port à lui la gré­ga­ri­té n’est, en effet, que pur maté­riel vivant, propre à une éla­bo­ra­tion du hasard.