29 12 16

Notre vie quo­ti­dienne est com­po­sée d’un grand nombre de pro­grammes dif­fé­rents et l’im­pres­sion de médio­cri­té quo­ti­dienne naît jus­te­ment de cette plu­ra­li­té qui, dans cer­tains états de scru­pule névro­tique, est sen­tie comme une hypo­cri­sie ; nous pas­sons sans cesse d’un pro­gramme à l’autre, comme on change de lon­gueur d’onde à la radio, mais nous le fai­sons à notre insu. Or la reli­gion n’est qu’un seul de ces pro­grammes et n’a­git guère dans les autres.
Comme dit Paul Pruyser dans sa Dynamic Psychology of Religion, la reli­gio­si­té n’oc­cupe, dans une jour­née, que la moindre par­tie des pen­sées d’un homme reli­gieux : mais on en dirait autant des pen­sées d’un spor­tif, d’un mili­tant ou d’un poète. Elle occupe une étroite bande, mais l’oc­cupe sin­cè­re­ment et inten­sé­ment.
[…] On se sent plus à l’aise pour étu­dier les croyances, reli­gieuses ou autres, quand on com­prend que la véri­té est plu­rielle et ana­lo­gique. Cette ana­lo­gie du vrai fait que l’hé­té­ro­gé­néi­té des pro­grammes passe inaper­çue : nous sommes tou­jours dans le vrai quand nous chan­geons à notre insu de lon­gueur d’onde ; notre sin­cé­ri­té est entière lorsque nous oublions les impé­ra­tifs et usages de la véri­té d’il y a cinq minutes, pour adop­ter ceux de la nou­velle véri­té.

Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?
Seuil 1983
analogie croyance dupeté Grèce Antique longueur d'onde militance pluralité poésie programme de vérité religion religiosité sincérité sportif vérité Veyne