18 06 17

Nietzsche, Par delà le bien et le mal. Prélude d’une philosophie de l’avenir

Pour ce qui en est de la super­sti­tion des logi­ciens, je veux sou­li­gner encore, sans me lais­ser décou­ra­ger, un petit fait que ces esprits super­sti­tieux n’avouent qu’à contre-cœur. C’est, à savoir, qu’une pen­sée ne vient que quand elle veut, et non pas lorsque c’est moi qui veux ; de sorte que c’est une alté­ra­tion des faits de pré­tendre que le sujet moi est la condi­tion de l’attribut « je pense ». Quelque chose pense, mais croire que ce quelque chose est l’antique et fameux moi, c’est une pure sup­po­si­tion, une affir­ma­tion peut-être, mais ce n’est cer­tai­ne­ment pas une « cer­ti­tude immé­diate ». En fin de compte, c’est déjà trop s’avancer que de dire « quelque chose pense », car voi­là déjà l’inter­pré­ta­tion d’un phé­no­mène au lieu du phé­no­mène lui-même. On conclut ici, selon les habi­tudes gram­ma­ti­cales : « Penser est une acti­vi­té, il faut quelqu’un qui agisse, par consé­quent… » Le vieil ato­misme s’appuyait à peu près sur le même dis­po­si­tif, pour joindre, à la force qui agit, cette par­celle de matière où réside la force, où celle-ci a son point de départ : l’atome. Les esprits plus rigou­reux finirent par se tirer d’affaire sans ce « reste ter­restre », et peut-être s’habituera-t-on un jour, même par­mi les logi­ciens, à se pas­ser com­plè­te­ment de ce petit « quelque chose » (à quoi s’est réduit fina­le­ment le véné­rable moi).

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Par delà le bien et le mal. Prélude d’une phi­lo­so­phie de l’avenir [Jenseits von Gut und Böse. Vorspiel einer Philosophie der Zukunft (1886)]
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trad.  Henri Albert
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