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Aise est le nom propre de cet espace non repré­sen­table. Le terme aise désigne en effet, selon son éty­mo­lo­gie, l’es­pace à côté (adja­cens, adja­cen­tia), le lieu vide où il est pos­sible à cha­cun de se mou­voir libre­ment, dans une constel­la­tion séman­tique où la proxi­mi­té spa­tiale voi­sine avec le temps oppor­tun (à l’aise, avoir ses aises) et la com­mo­di­té avec le rela­tion appro­priée. Les poètes pro­ven­çaux (dans les vers des­quels le terme appa­raît pour la pre­mière fois en langue romane, sous la forme aizi, aizi­men) dont de l’aise un ter­mi­nus tech­ni­cus de leur poé­tique, dési­gnant le lieu même de l’a­mour. Ou plu­tôt, non pas tant le lien de l’a­mour que l’a­mour comme expé­rience de l’a­voir-lieu d’une sin­gu­la­ri­té quel­conque. En ce sens, aise désigne par­fai­te­ment ce « libre usage du propre » qui, selon une expres­sion de Hölderlin, est « la tâche la plus dif­fi­cile ». « Mout mi sem­blatz de bel aizin » : tel est le salut que les amants, dans la chan­son de Jaufré Rudel, échangent en se ren­con­trant.

La com­mu­nau­té qui vient
Seuil 1990
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