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La stra­té­gie contex­tua­liste, qu’il importe de dis­tin­guer de la posi­tion rela­ti­viste : « savoir » est un terme essen­tiel­le­ment rela­tif, dont les condi­tions d’application et le sens varient selon les contextes. Si « P est vrai pour moi » signi­fie « Je crois que P », on a sim­ple­ment un cas de désac­cord. Le contex­tua­liste dit qu’une phrase est vraie dans un contexte où elle est énon­cée par X, pas vraie dans un autre. Mais, dans le contexte C, la phrase énon­cée est abso­lu­ment vraie (bref, la véri­té elle-même n’est pas contex­tuelle, ce que conteste un rela­ti­viste pour qui 1) la véri­té change avec le temps, en fonc­tion du sujet, etc. ; 2) le contexte est uni­que­ment déter­mi­né par ce que le sujet ou la com­mu­nau­té juge qu’il est. Si nous nous trou­vons dans un contexte conver­sa­tion­nel scep­tique où les cri­tères sont éle­vés, on admet­tra avec le scep­tique que nous savons très peu de choses. À l’opposé, si nous nous trou­vons dans un contexte conver­sa­tion­nel non scep­tique, où les cri­tères sont rela­ti­ve­ment bas, nous en savons en fait plus que nous ne le pen­sons, même si ce n’est que rela­ti­ve­ment à ces cri­tères épis­té­miques peu éle­vés. Mais la stra­té­gie contex­tua­liste pré­sente elle aus­si des dif­fi­cul­tés. Comment de simples chan­ge­ments dans le contexte conver­sa­tion­nel peuvent-ils avoir une inci­dence sur le sta­tut épis­té­mique de l’agent ? Connaître sup­pose quelque chose d’universellement vrai (qui ne doit rien au contexte conver­sa­tion­nel où l’on se trouve (inva­rian­tisme). À rela­ti­vi­ser à ce point les cri­tères épis­té­miques, on court le risque de tenir pour vraie n’importe quelle pro­prié­té. Même si les cri­tères ont une éten­due assez large, est-ce aus­si aisé­ment trans­po­sable à des termes comme « connaître », « avoir une évi­dence adé­quate », être » jus­ti­fié » ? Le contex­tua­liste ne confond-il pas varia­bi­li­té prag­ma­tique et varia­bi­li­té séman­tique ? Du fait que « ici » désigne dif­fé­rentes choses selon les contextes, peut-on conclure que « ici » n’a pas de sens fixe ? Quelqu’un qui dit « je suis ici » ne sait-il pas où il est ? Une conces­sion majeure est faite au scep­tique : celle de la struc­ture « hié­rar­chique » de ses doutes.
Cela impose donc de cher­cher ailleurs d’autres parades qui soient plus « effi­caces ».

« Métaphysique et phi­lo­so­phie de la connais­sance »
Annuaire du Collège de France 2010–2011
2011
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