À supposer qu’il y ait « de bons vers, de mauvais vers, et le chaos » (T. S. Eliot, 1917), le problème de l’histoire chaotique et de ses bandeaux n’est pas résolu. Même les vers de Frost parlent de la forme visée dans l’informe : « que souffle le chaos !/ que se fondent les nuages !/ j’attends ce qui a forme ». Les nuages sont des formes sans formes. Meschonnic intensifie la contradiction en déclarant : « Il ne s’agit pas d’opposer des formes à une absence de formes. Puisque l’informe est encore une forme. » Mais si « la liberté n’est pas plus un choix qu’une absence de contrainte », étant « la recherche de sa propre historicité », la contradiction est la conclusion historique de la critique du rythme : « le poète n’est pas libre devant le vers libre ». (En symétrie et au ras de l’époque, Eliot dit élémentairement : « Cela signifie que la liberté n’est réellement libre qu’à se manifester sur la base d’une limitation artificielle. ») L’histoire induit une réceptivité inspirée, la passivité d’un ventriloque : « on ne choisit pas ce qu’on écrit, ni de l’écrire ». La liberté de choisir une « rythmique carrée » (Creeley), par exemple, n’est plus une question.
17 01 16