17 05 18

Novalis, Œuvres complètes

Tout bon­ne­ment ahu­ris­sante est l’erreur ridi­cule des gens qui se figurent par­ler pour les choses elles-mêmes. Mais le propre du lan­gage, à savoir qu’il n’est tout uni­ment occupe que de soi-même, tous l’ignorent. C’est pour­quoi le lan­gage est un si mer­veilleux mys­tère et si fécond : que quelqu’un parle tout sim­ple­ment pour par­ler, c’est jus­te­ment alors qu’il exprime les plus magni­fiques véri­tés. Mais qu’il veuille au contraire par­ler de quelque chose de pré­cis, voi­là tout aus­si­tôt la langue mali­cieuse qui lui fait dire les pires absur­di­tés, les bourdes les plus gro­tesques. Aussi est-ce bien de là que vient la haine que tant de gens sérieux ont du lan­gage. Sa pétu­lance et son espiè­gle­rie, ils la remarquent ; mais ce qu’ils ne remarquent pas, c’est que le bavar­dage à bâtons rom­pus et son lais­ser-aller si dédai­gné sont jus­te­ment le côté infi­ni­ment sérieux de la langue.

Der lächer­liche Irrthum ist nur zu bewun­dern, daß die Leute mei­nen — sie sprä­chen um der Dinge willen. Gerade das Eigenthümliche der Sprache, daß sie sich blos um sich selbst beküm­mert, weiß kei­ner. Darum ist sie ein so wun­der­bares und frucht­bares Geheimniß, — daß wenn einer blos spricht, um zu spre­chen, er gerade die herr­lichs­ten, ori­gi­nell­sten Wahrheiten auss­pricht. Will er aber von etwas Bestimmten spre­chen, so läßt ihn die lau­nige Sprache das lächer­lichste und ver­kehr­teste Zeug sagen. 10 Daraus ents­teht auch der Haß, den so manche erns­thafte Leute gegen die Sprache haben. Sie mer­ken ihren Muthwillen, mer­ken aber nicht, daß das verächt­liche Schwatzen die unend­lich erns­thafte Seite der Sprache ist.

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« Monologue » Œuvres com­plètes
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vol. 2 : Les fragments
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trad.  Armel Guerne
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p. 86