17 02 17

Dans le Traité du non-être de Gorgias, il s’agit, quelques décades après le Poème [de Parménide], d’un tout autre rap­port entre l’être et le dire. Gorgias mani­feste com­ment le poème est lui aus­si, lui d’abord, qu’il le sache et qu’il le veuille ou non, une per­for­mance dis­cur­sive : loin d’avoir à charge de dire une dona­tion ori­gi­naire, quelque « est » ou « il y a », il pro­duit bel et bien son objet, jusque dans et par la syn­taxe de ses phrases. L’être, de manière radi­ca­le­ment cri­tique par rap­port à l’ontologie, n’est pas ce que la parole dévoile mais ce que le dis­cours crée, « effet » du poème comme le héros « Ulysse » est un effet de l’Odyssée. Si la phi­lo­so­phie veut réduire la sophis­tique au silence, c’est sans doute parce qu’à l’inverse la sophis­tique pro­duit la phi­lo­so­phie comme un fait de lan­gage. Je pro­pose de nom­mer logo­lo­gie, d’un terme emprun­té à Novalis, cette per­cep­tion de l’ontologie comme dis­cours, cette insis­tance sur l’autonomie per­for­ma­tive du lan­gage et sur l’effet-monde qu’il pro­duit.

L’effet sophis­tique
Gallimard 1995
p. 13
cassin effet être/non-être gorgias homère novalis odyssée Parménide sophistique