10 07 17

Un tout, c’est ce qui est divi­sible en par­ties. Il y aura donc trois sortes de tota­li­té, selon les trois sortes de divi­sion : 1. Un tout peut être divi­sible en par­ties quan­ti­ta­tives, comme le tout d’une ligne, d’un corps. 2. Un tout peut être divi­sé logi­que­ment ou réel­le­ment en par­ties de l’essence : par exemple, l’objet défi­ni se divise selon les par­ties de la défi­ni­tion, le com­po­sé se résout en matière et en forme. 3. Il y a encore le tout poten­tiel, qui est divi­sible du point de vue de l’étendue de sa ver­tu en puis­sance d’action.
Le pre­mier mode de tota­li­té ne peut conve­nir aux formes que d’une manière indi­recte, et encore aux formes qui peuvent être indif­fé­rem­ment dans un tout quan­ti­ta­tif ou dans ses par­ties. Ainsi la cou­leur blanche, qu’elle se trouve sur la sur­face totale ou sur l’un des seg­ments de cette sur­face, est essen­tiel­le­ment la même. Elle est alors divi­sée d’une manière indi­recte, lorsque la sur­face est divi­sée. Mais une forme qui requiert des par­ties diver­se­ment consti­tuées, telle que l’âme, sur­tout dans les ani­maux par­faits, n’est pas dans le même rap­port avec le tout et avec les par­ties. Ainsi n’est-elle pas divi­sible, même indi­rec­te­ment, c’est-à-dire par divi­sion quan­ti­ta­tive. Le pre­mier mode de tota­li­té ne peut donc être attri­bué à l’âme, ni essen­tiel­le­ment ni d’une manière indi­recte. Au contraire, le second mode de tota­li­té, celui de la défi­ni­tion et de l’essence, convient en propre et essen­tiel­le­ment aux formes. Il en est de même pour le tout poten­tiel puisque la forme est prin­cipe des acti­vi­tés.
On pour­rait donc se deman­der si la cou­leur blanche est tout entière sur la sur­face totale et sur cha­cune de ses par­ties. Il fau­drait alors dis­tin­guer plu­sieurs cas : si l’on parle de la tota­li­té d’étendue que la cou­leur blanche pos­sède indi­rec­te­ment, elle ne se trou­ve­ra pas tout entière en chaque par­tie de la sur­face. On devrait affir­mer la même chose à pro­pos du tout poten­tiel, car la blan­cheur qui recouvre toute la sur­face fait une impres­sion plus vive sur la vue que celle qui n’en recouvre qu’une par­tie. Mais s’il s’agit du tout de l’espèce et de l’essence, la cou­leur blanche se trouve tout entière en une par­tie quel­conque de la sur­face.
Or, l’âme ne pos­sède, ni par soi ni indi­rec­te­ment, de tota­li­té quan­ti­ta­tive. Il suf­fit donc d’admettre qu’elle est tout entière dans une par­tie quel­conque du corps, sous le rap­port de la tota­li­té d’essence et de per­fec­tion ; mais non pas selon la tota­li­té de sa ver­tu. Car elle n’est pas selon toute sa puis­sance dans chaque par­tie du corps ; au contraire, la facul­té de voir est dans l’œil, celle d’entendre, dans l’oreille, etc.

Somme théo­lo­gique
1266–1273 blancheur étendue méréologie mode scolastique somme théologique thomas d'aquin tout et partie