Tenir pour vrai, dans le sophisme, c’est s’engager à tenir. De là le fait important que le sophisme emporte avec lui une ontologie bizarre, partielle limitative, discontinue et boiteuse.
En effet, la seule chose que manipule le Sophiste, le seul être auquel il s’adresse, c’est celui de la chose dite ; c’est celui de l’énoncé dans sa réalité matérielle. Matérialité paradoxale puisqu’elle implique soit les sons, soit les lettres, et, partant, une rareté comme celle des choses ; son déroulement linéaire et sériel et [néanmoins] son maintien.
Or, si les mots ont leur réalité matérielle spécifique, au milieu de toutes les autres choses, il est clair qu’ils ne peuvent pas communiquer avec ces choses : il ne peuvent pas les signifier, ou les refléter ou les exprimer, il n’y a pas de ressemblance entre les mots et les choses dont ils sont censés parler. Tout au plus peuvent-il être poussés, provoqués par ces choses.
Mais puisqu’ils ne signifient pas les choses, on ne peut donc pas avoir accès aux choses à partir du discours. Le discours est séparé de ce dont il parle par le seul fait qu’il est lui-même une chose, comme ce dont il parle. L’identité du statut de chose implique la rupture du rapport signifiant.