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Le désordre du Guide [des éga­rés] n’est pas un désordre : c’est ordre dif­fé­rent. Maïmonide oblige son lec­teur à accep­ter et pra­ti­quer l’inter­tex­tua­li­té. Pour lui tout mot compte, chaque uni­té dis­cur­sive doit être inter­pré­tée en liai­son avec une autre : « Il faut com­bi­ner les cha­pitres les uns avec les autres. En lisant un cha­pitre, il ne faut pas seule­ment avoir pour but de com­prendre l’en­semble de son sujet, mais aus­si de sai­sir chaque parole qui s’y pré­sente mot après mot, même si elle ne concerne pas le sujet du cha­pitre. » Cette atten­tion à la lettre prend son sens dans une nou­velle règle her­mé­neu­tique : « Dire quelque chose hors de sa place, pour expli­quer quelque autre chose à sa véri­table place » – une for­mule ambi­guë, que cer­tains auteurs ont ensuite éri­gée en pro­cé­dé. Un bon exemple d’her­mé­neu­tique maï­mo­ni­dienne est ain­si don­né par Maître Eckhart dans le second Prologue de l’œuvre des expo­si­tions, quand il explique que tout pas­sage cité pour expli­quer un autre pas­sage de l’Écriture doit être à son tour expli­qué par lui, là où il se trouve. Cette réver­sion des exé­gèses va sans doute au-delà de l’in­ten­tion même de Maïmonide, elle exprime, tou­te­fois, à sa suite, une soli­da­ri­té inter­tex­tuelle à laquelle l’exé­gèse tra­di­tion­nelle ne s’o­blige pas.

La phi­lo­so­phie médié­vale
P.U.F 2014
p. 215
coll. « Que sais-je » de libera eckhart exégèse herméneutique intertextualité littéralisme littéralité maïmonide médiéval moyen âge philosophie médiévale théologie