03 12 17

Horkheimer, La dialectique de la raison

La crainte qu’éprouve le fils authen­tique de la civi­li­sa­tion moderne à l’idée de s’éloigner des faits qui sont déjà sché­ma­ti­que­ment pré­for­més par les conven­tions domi­nantes de la science, du com­merce et de la poli­tique, est la même que la crainte qu’inspire la dévia­tion sociale. Ces conven­tions défi­nissent éga­le­ment le concept de clar­té – [de la langue comme de la pen­sée] – auquel l’art, la lit­té­ra­ture et la phi­lo­so­phie doivent s’adapter aujourd’hui. Tandis que ce concept réprouve tout trai­te­ment néga­tif que [cette pen­sée] inflige aux faits ou aux formes domi­nantes comme obs­cur et com­pli­qué, [ou au mieux comme bar­bare, (lan­des­fremd)] pour le décla­rer fina­le­ment tabou, il condamne l’esprit à une céci­té crois­sante. Cette situa­tion sans issue se carac­té­rise par le fait que le réfor­ma­teur le plus hon­nête qui recom­mande une nou­veau­té en se ser­vant d’un lan­gage déva­lué, ren­force, en adop­tant l’appareil caté­go­riel pré­fa­bri­qué et la mau­vaise phi­lo­so­phie qui se cache der­rière lui, le pou­voir de l’ordre exis­tant qu’il vou­drait pour­tant bri­ser.

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La dia­lec­tique de la rai­son [Dialektik der Aufklärung, 1944]
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trad.  Éliane Kaufholz
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p. 16–17
, tra­duc­tion modi­fiée et amen­dée