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Personne n’a l’exclusivité du mal­heur ; aucun hasard cau­sal n’est à la racine d’une péri­pé­tie sin­gu­lière. C’est au contraire, la pri­va­tion, orga­ni­sée sur une échelle sociale, de toute aven­ture concrète et sub­jec­tive qui déter­mi­né a prio­ri les mal­chances de cha­cun. Les infor­tunes de la pas­sion ne prennent pas leur source ailleurs que dans l’impossibilité uni­ver­sel­le­ment sanc­tion­née, de vivre la qua­li­té de se pas­sion­ner. Le poi­son qui intoxique toute volon­té de s’affirmer, de s’affirmer comme qua­li­té en être vis-à-vis de la quan­ti­té en pro­cès – et qui la fait res­sem­bler à un rêve déme­su­ré, des­ti­né par force à se ren­ver­ser en un cau­che­mar mesu­ré par la quan­ti­té de vivant qui meurt – ce poi­son c’est la volon­té imper­son­nelle du pou­voir qui le dis­tille. Cette volon­té imper­son­nelle véné­neuse est l’ennemi intime de tout vou­loir-être iso­lé ; c’est l’universalité du non-être, qui, dans l’enceinte close du des­tin pri­vé, prend l’apparence d’une par­ti­cu­la­ri­té sin­gu­lière. En iso­lant en cha­cun la qua­li­té qui est latente en tous, la quan­ti­té fait en sorte que cha­cun déses­père de soi.

Apocalypse et révo­lu­tion [Invariance, année IX, série III, n°2 et 3, 1976–1977]
chap. 7 : Les infor­tunes de la pas­sion
trad. Lucien Laugier
La Tempête 2020
p. 180–181 § 112
advention personne volonté