La confusion entre l’expérience (l’experimentum d’Aristote) et l’expérimentation est l’expression ultime de cette dérive. Ni Albert ni Frédéric ne sont les créateurs de la méthode expérimentale. C’est au nom du concept aristotélicien de l’expérience que l’empereur s’écarte d’Aristote.
« Nous ne suivons pas en tout le prince des philosophes, car il s’est rarement – pour ne pas dire jamais – personnellement exercé à la chasse avec des oiseaux, alors que nous nous y sommes au contraire toujours complu et exercé. Au vrai, beaucoup de ce qu’il raconte dans son Livre des animaux, il dit lui-même que d’autres l’ont dit ainsi avant lui. Mais ce que certains ont dit, il ne l’a lui-même jamais vu, et l’on peut douter que ceux qu’il cite l’aient eux-mêmes vu. La certitude de la foi ne peut être le fruit d’un ouï-dire. »
Le rejet de la fides ex auditu au bénéfice de l’expérience personnelle, qui seule permet de comprendre, ne nous arrache pas à la conception aristotélicienne de la science : par-delà sa signification religieuse, le terme fides a aussi un sens philosophique directement hérité d’Aristote : la saisie immédiate des données. Frédéric ne plaide donc pas contre l’aristotélisme, il justifie la liberté qu’il prend par rapport à une autorité fondée sur une expérience de deuxième main. Homme d’expérience, autrement dit expert en un art – la fauconnerie –, Frédéric n’est donc pas un expérimentateur. S’il quitte les limites de son art, il redevient un questionneur.