28 08 17

Libera, Penser au Moyen Âge

Pour le phi­lo­sophe aris­to­té­li­cien, la pre­mière règle de l’éthique n’est pas le choix de la « médio­cri­té », fut-elle « dorée », mais celui de la mesure [réfé­rence à l’aurea medio­cri­tas d’Horace, ndr]. Le ver­tueux doit « pro­duire en tout des actions mesu­rées ». C’est là la place de la tem­pé­rance. Réciproquement, celui qui s’abstient de tout plai­sir, celui qui fuit devant eux, sans excep­tion aucune, sombre dans l’hébétude « tel un rustre ». « De telles gens se ren­con­trant rare­ment », Aristote explique qu’ils n’ont pas reçu de nom. Il en pro­pose donc un : « Appelons-les, dit-il, des insen­sibles. »
L’insensibilité, lit­té­ra­le­ment l’anesthésie (suit le mot grec, ndr), c’est-à-dire aus­si la stu­pi­di­té (c’est le sens du mot chez Théophraste), est donc pour Aristote le pire des vices. Pareille insen­si­bi­li­té est pro­pre­ment « innom­mable », parce qu’elle « n’a rien d’humain ». On ne l’imagine même pas dans la vie réelle : c’est le fait d’un per­son­nage de comé­die, inapte à vivre en socié­té, le propre d’un monstre, d’un « vicieux » total.
Aux yeux du phi­lo­sophe, la « ces­sa­tion de tout plai­sir sexuel » ne peut être qu’une anes­thé­sie géné­rale : le plus par­fait conti­nent est le par­fait frus­tré, à la fois rustre et fruste. C’est à cet insen­sible qu’Aristote oppose le tem­pé­rant, homme du juste milieu et de l’équilibre, lequel est tout sauf « médiocre ».
L’idéal du juste milieu, de la « médie­té », a de nos jours quelque chose d’irritant – sur­tout quand la publi­ci­té la trans­forme en ordon­nance média­tique et pres­crit.