Pour le philosophe aristotélicien, la première règle de l’éthique n’est pas le choix de la « médiocrité », fut-elle « dorée », mais celui de la mesure [référence à l’aurea mediocritas d’Horace, ndr]. Le vertueux doit « produire en tout des actions mesurées ». C’est là la place de la tempérance. Réciproquement, celui qui s’abstient de tout plaisir, celui qui fuit devant eux, sans exception aucune, sombre dans l’hébétude « tel un rustre ». « De telles gens se rencontrant rarement », Aristote explique qu’ils n’ont pas reçu de nom. Il en propose donc un : « Appelons-les, dit-il, des insensibles. »
L’insensibilité, littéralement l’anesthésie (suit le mot grec, ndr), c’est-à-dire aussi la stupidité (c’est le sens du mot chez Théophraste), est donc pour Aristote le pire des vices. Pareille insensibilité est proprement « innommable », parce qu’elle « n’a rien d’humain ». On ne l’imagine même pas dans la vie réelle : c’est le fait d’un personnage de comédie, inapte à vivre en société, le propre d’un monstre, d’un « vicieux » total.
Aux yeux du philosophe, la « cessation de tout plaisir sexuel » ne peut être qu’une anesthésie générale : le plus parfait continent est le parfait frustré, à la fois rustre et fruste. C’est à cet insensible qu’Aristote oppose le tempérant, homme du juste milieu et de l’équilibre, lequel est tout sauf « médiocre ».
L’idéal du juste milieu, de la « médieté », a de nos jours quelque chose d’irritant – surtout quand la publicité la transforme en ordonnance médiatique et prescrit.
28 08 17