Les Sommes de logique ne forment pas la totalité du savoir médiéval sur le langage et la logique. […] Le seule apport véritable des Sommes est d’offrir une sémantique des termes qui, à la fois, complète et fonde la théorie aristotélicienne des prpositions, inférences et syllogismes. Cet apport se trouve concentré dans un certains nombre de petits traités ayant pour objet de définir le fonctionnement sémantique des termes catégorématiques pris dans des contextes propositionnels variables. Cette démarche a été décrite comme une « approche contextuelle » par De Rijk (1962–1967). Elle résulte, pour une large part, d’une itneraction et d’une interpénétration de la logique de la référence avec les théories grammaticales de la signification formulées au XIIe siècle. C’est sur ce terrain, en effet, que s’est formée la notion clé de la /logica modernorum/ ou « terminisme » : la /suppositio termini/. Les origines grammaticales du concept de supposition ont été étudiées en détail par De Rijk (1962–1967). La préhistoire grammaticale du terme de /suppositio/ chez Guillaume de Conches et Pierre Hélie est décrite dans Fredborg (1973). Le lecteur trouvera ici-même dans l’article de S. Ebbesen le bilan des réflexions les plus récentes sur ce problème.
Le développement de la théorie des suppositions est sans doute la partie la mieux connue de l’histoire de la sémantique médiévale. La signification même de cette doctrine a donné lieu à de nombreuses interprétations. Équivalent approximatif de la moderne théorie de la référence, la doctrine des suppositions a été considérée tour à tour comme syntaxique, sémantique et pragmatique. Sur ce point cf. Perreiah (1971b). Selon nousm les différents types de supposition distingués par les médiévaux dérivent d’une réflexion sémantique sur la translation univoque des termes /in oratione/. Qu’il s’agisse de la supposition « matérielle » (théorie de l’emploi autonyme du discours, correspondant à l” »imposition matérielle » des grammairiens, ex : /homo est vox/) ou de la supposition simple (où le signifié formel est pris comme référent, ex : /homo est species/), les modes de la supposition décrivent avant tout les modifications de la valeur sémantique initial d’un terme dont la portée référentielle est déplacée selon els contextes. On notera d’autre part, qu’au stade de maturation de la théorie, la supposition est définie par les possibilités d’inférence (descensus), i.e. d’équivalence entre la proposition /princeps/ et des disjonctions ou des conjonctions de propositions singulières (ou encore pour la supposition purement confuse, une proposition comportant un prédicat interprété en disjonction). […]
L’analyse des différentes variétés de suppositions n’est cependant pas le but ultime de la sémantique médiévale des termes. Aussi bien, les problèmes les plus fondamentaux de la théorie de la « référence » sont-ils assumés par des notions distinctes de la supposition : appellation, restriction, ampliation, distribution, etc.
13 09 17
Libera, Histoire Épistémologie Langage
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« Introduction »
Histoire Épistémologie Langage
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t. 3 : « Sémantiques médiévales : Cinq études sur la logique et la grammaire au Moyen Âge »
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p. 7–17
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