13 09 17

Les Sommes de logique ne forment pas la tota­li­té du savoir médié­val sur le lan­gage et la logique. […] Le seule apport véri­table des Sommes est d’of­frir une séman­tique des termes qui, à la fois, com­plète et fonde la théo­rie aris­to­té­li­cienne des prpo­si­tions, infé­rences et syl­lo­gismes. Cet apport se trouve concen­tré dans un cer­tains nombre de petits trai­tés ayant pour objet de défi­nir le fonc­tion­ne­ment séman­tique des termes caté­go­ré­ma­tiques pris dans des contextes pro­po­si­tion­nels variables. Cette démarche a été décrite comme une « approche contex­tuelle » par De Rijk (1962–1967). Elle résulte, pour une large part, d’une itne­rac­tion et d’une inter­pé­né­tra­tion de la logique de la réfé­rence avec les théo­ries gram­ma­ti­cales de la signi­fi­ca­tion for­mu­lées au XIIe siècle. C’est sur ce ter­rain, en effet, que s’est for­mée la notion clé de la /logica modernorum/ ou « ter­mi­nisme » : la /suppositio termini/. Les ori­gines gram­ma­ti­cales du concept de sup­po­si­tion ont été étu­diées en détail par De Rijk (1962–1967). La pré­his­toire gram­ma­ti­cale du terme de /suppositio/ chez Guillaume de Conches et Pierre Hélie est décrite dans Fredborg (1973). Le lec­teur trou­ve­ra ici-même dans l’ar­ticle de S. Ebbesen le bilan des réflexions les plus récentes sur ce pro­blème.
Le déve­lop­pe­ment de la théo­rie des sup­po­si­tions est sans doute la par­tie la mieux connue de l’his­toire de la séman­tique médié­vale. La signi­fi­ca­tion même de cette doc­trine a don­né lieu à de nom­breuses inter­pré­ta­tions. Équivalent approxi­ma­tif de la moderne théo­rie de la réfé­rence, la doc­trine des sup­po­si­tions a été consi­dé­rée tour à tour comme syn­taxique, séman­tique et prag­ma­tique. Sur ce point cf. Perreiah (1971b). Selon nousm les dif­fé­rents types de sup­po­si­tion dis­tin­gués par les médié­vaux dérivent d’une réflexion séman­tique sur la trans­la­tion uni­voque des termes /in oratione/. Qu’il s’a­gisse de la sup­po­si­tion « maté­rielle » (théo­rie de l’emploi auto­nyme du dis­cours, cor­res­pon­dant à l’  »impo­si­tion maté­rielle » des gram­mai­riens, ex : /homo est vox/) ou de la sup­po­si­tion simple (où le signi­fié for­mel est pris comme réfé­rent, ex : /homo est species/), les modes de la sup­po­si­tion décrivent avant tout les modi­fi­ca­tions de la valeur séman­tique ini­tial d’un terme dont la por­tée réfé­ren­tielle est dépla­cée selon els contextes. On note­ra d’autre part, qu’au stade de matu­ra­tion de la théo­rie, la sup­po­si­tion est défi­nie par les pos­si­bi­li­tés d’in­fé­rence (des­cen­sus), i.e. d’é­qui­va­lence entre la pro­po­si­tion /princeps/ et des dis­jonc­tions ou des conjonc­tions de pro­po­si­tions sin­gu­lières (ou encore pour la sup­po­si­tion pure­ment confuse, une pro­po­si­tion com­por­tant un pré­di­cat inter­pré­té en dis­jonc­tion). […] L’analyse des dif­fé­rentes varié­tés de sup­po­si­tions n’est cepen­dant pas le but ultime de la séman­tique médié­vale des termes. Aussi bien, les pro­blèmes les plus fon­da­men­taux de la théo­rie de la « réfé­rence » sont-ils assu­més par des notions dis­tinctes de la sup­po­si­tion : appel­la­tion, res­tric­tion, amplia­tion, dis­tri­bu­tion, etc.

« Introduction »
Histoire Épistémologie Langage
t. 3 Sémantiques médiévales : Cinq études sur la logique et la grammaire au Moyen Âge
1981
p. 7–17
lien linguistique logique moyen âge référence sémantique