19 01 16

Une tra­di­tion, peut-être apo­cryphe (les « der­nières paroles » sont un domaine de pré­di­lec­tion des apo­cryphes) veut qu’Alice Toklas, ren­dant visite à Gertrude Stein à l’Hôpital amé­ri­cain de Neuilly, juste avant l’opération dont elle ne devait pas se réveiller, se soit enten­du deman­der : « What is the ans­wer ? » ; puis, après un silence : « Then, what is the ques­tion ? »
Il est vrai que vivre nous pré­sente les réponses long­temps avant les ques­tions.
Le monde est devant nous, char­gé de réponses, et nous res­tons muets. Dans la « lande » ou « chambre » du temps dévas­té nous errons, non à la recherche des réponses, mais dans la quête des ques­tions. Mais à la dif­fé­rence de Perceval le Gallois, si jamais nous les trou­vons, il est trop tard pour res­ti­tuer à la pros­pé­ri­té la « Terre Gaste », la « Waste Land » de nos vies. Je ne crois même pas que le nœud se tranche au moment der­nier, celui de notre mort. L’énigme reste énigme, jusque dans les yeux troués du cadavre. Qui résoud les énigmes perd la lumière du jour. La véri­té creuse les orbites du vivant.

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chap. 5  : « Rêve, déci­sion, « pro­jet » »
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p. 186–187