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Et pour ce que devant avons tou­ché quelque chose des scru­pules es confes­sions, il nous semble bon y adious­ter encore ce que s’en­suyt. Il est expé­dient aux scru­pu­leux qu’ilz ne soient point de conscience trop estroicte a expo­ser les moindres péchez en confes­sion, mais leurs souf­fise brief­ment et suc­cinc­te­ment et qua­si en géné­ral, les explic­quer, et les plus grands esquelz y auroit péril d’âme, don­ne­ront a entendre spé­cia­le­ment le mieulx que pour­ront. Et est a noter que les gresves, ordes et sales cogi­ta­tions, soint de blas­phème ou de luxure, se doibvent dire en sorte et maniere que le confes­seur entende l’in­ten­tion du confitent, en gar­dant toute hon­nes­te­té de par­ler, autant que pos­sible sera, pour la révé­rence du sacre­ment et du confes­seur.
Or est a sca­voir que telles exé­crables cogi­ta­tions ne doibvent per­sonne trou­bler, car cer­tai­ne­ment elles ne délectent pas les devotz, mais les cru­cient et affligent ; et aus­si elles ne sont pas de l’homme mais diable qui les sug­gère ; par quoy elles ne seront point impu­tées a l’homme a démé­rite, mais plus fort luy seront répu­tées a mérite ; et si purgent plus l’âme de cel­luy qui les souffre et porte, qu’il ne la macule et ce pour le labeur que l’homme endure en bataillant contre icelles ; car quel­conque chose afflige l’homme contre sa volun­té et ne luy plait point et ne le délecte point, le ten­ta­teur ne peut faci­le­ment nuyre en telles choses.
Quiconques doncques en telles ordes cogi­ta­tions voul­droit trop spe­ci­fic­que­ment des­cendre en les confes­sant, et estre trop scru­pu­leux entour elles, ces­tuy cy sans nulle doubte par ce ne recep­vra pas paix de cueur et conscience, mais plus tost oppo­sée et contraire plus fort, et si donne occa­sion a l’en­ne­my de le beau­coup plus inquié­ter et vexer, comme aul­cu­nef­fois il advient a ceulx qui s’ef­forcent appai­ser le cry et abay des chiens et leurs gectent du pain, affin que ain­si cessent crier et abayer ; mais sou­vent ilz infestent plus fort et assaillent plus dure­ment cel­luy qui leur a gec­té le pain.
Il convient et est néces­saire que en quel­conque par­tie quel­cun se sent plus prompt et enclin a mal et pouoir estre plus faci­le­ment ten­té, il doibt estre sol­li­ci­teur de y oppo­ser et appo­ser remède tout contraire. Si quel­qu’un est trop legie­re­ment scru­pu­leux en conscience, qu’il estu­die a liber­té et gaye­té de cueur. Si quel­qu’un est ira­cunde et véhé­ment et ost faci­le­ment esmeu, qu’il fuye occa­sion de ire et qua­si avec vio­lence entende a tran­quilli­té et man­sué­tude d’es­pe­rit. Si quel­qu’un est impa­tient es adver­si­tez, qu’il remé­more les exemples des pères, mesu­re­ment de Jhesus Christ et des mar­tirs. Qu’ainsi soit dit des aultres ten­ta­tions.

« De reme­diis contra pusil­la­ni­mi­ta­tem »
Œuvres com­plètes [1405]
t. 9
chap. 7
Desclée de Brouwer 1973
p. 395
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