Par exception, on rencontre des scrupuleux bavards comme Jean ou qui écrivent beaucoup comme Nadia, mais l’espoir de les entendre parler clairement de leur maladie est bientôt déçu. C’est un flux intarissable de paroles, de plaintes, de gémissements, mais avec les mêmes contradictions, les mêmes obscurités. Jean complique son langage d’une grande quantité de néologismes dont il a peu à peu précisé le sens dans son esprit, mais qui sont loin de rendre son langage plus clair. « Ah ! j’ai eu ma petite mesure depuis que je vous ai quitté ; une petite échaubouillaison a fait que tout repigeonnait encore, et l’obsession mentale et le fou-rire cérébral qui me labouraient la tête. Je ne pouvais plus résister au besoin de me crisper les organes, cric, crac, meurs donc en te donnant des jouissances. Ce que j’ai dû soulever de poutres en nombre répété pour résister. Vous ne vous figurez pas comme cela produit un état fastidieux tout le long de la ligne des nerfs. » Et il continue ainsi pendant des heures sans arriver à se faire comprendre et surtout sans arriver à se satisfaire lui-même. Il supplie qu’on l’écoute encore un quart d’heure, parce qu’il est si important qu’il ait tout dit. Il consent à s’arrêter avec la promesse que la prochaine fois il reprendra le récit interrompu.
11 11 22