Qu’en serait-il d’une question qui n’impliquerait pas de réponse ? Elle ne diviserait pas le monde en deux : la demande, la réponse ; elle se tiendrait d’emblée en leur milieu, éclatante de leur contradiction, et cependant fermée à la discontinuité que la contradiction engendre. Pareille question ne saurait pas ce qu’elle est, car niant sa nature et se niant elle-même, elle se contenterait justement d’être ce qu’elle est.
Il va donc falloir « jouer jusqu’à la mort », me donnant la comédie de ces mots qui ne sont pas ce qu’ils vont tout d’abord paraître — qui ne sont pas là pour manifester un savoir saisi, mais pour le dépenser, au fur et à mesure.
« Tous les chemins mènent à Rome », me disait-on, et encore : « Chacun pour soi et Dieu pour tous. » Ces principes proclamaient à l’évidence qu’on doit nécessairement aller quelque part. Autrement dit qu’il existe un lieu qui capitalise toutes les directions et un dieu en qui se capitalisent tous les actes. Ces deux figures coïncidaient d’ailleurs pour engendrer l’Unité en laquelle « tout se retrouve » car « rien n’est perdu ». Cette grande unité capitaliste permettait d’être seul, d’être moi, puisqu’elle garantissait la totalité pour plus tard. »
Écrivant, tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien, mais il y a imminence d’un savoir, et cette imminence entretient l’écriture tout en étant, elle-même, entretenue par la supplication de l’écriture, qui désire faire durer pour se faire durer. Et rien de plus. Rien au-delà.
Mais ne faut-il pas se battre continuellement à l’intérieur de ce même carré :
je -> me -> dérobe -> où -> je -> me -> connais
! !
je <- me <- connais <- où <- je <- me <-dérobe
bien qu’il soit tragiquement risible de tourner ainsi en rond !
La poésie, parfois, s’évade, mais il reste encore à s’évader de la poésie.
23 03 18