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La langue res­semble à de la pâte à mode­ler ou de la pâte à piz­za, une espèce de corps conte­nu dans la bouche, comme un homon­cule recou­vert d’un drap, un fan­tôme, qui mime­rait à l’in­té­rieur les mou­ve­ments géné­raux de la tête. Cette impres­sion de paral­lé­lisme, comme un per­son­nage en pyja­ma qui ferait en petit ce que la bouche fait en grand, est trou­blante. On peut aus­si pen­ser à un gant de boxe qui se dresse et se replie parce que la main à l’in­té­rieur bouge les doigts. La meilleure com­pa­rai­son est peut-être celle d’un ani­mal blot­ti, tapi dans sa tanière et qui s’ap­prête à bon­dir pour sor­tir. Il se masse en arrière, semble s’ac­crou­pir et veut jaillir dans un mou­ve­ment sou­dain : il fait d’a­bord le dos rond avant de se jeter en avant. Ici le bout de la langue est comme la tête de ce corps mou. Cette impres­sion est ren­for­cée par le fait que le corps de la langue, fixé au plan­cher buc­cal est libre et semble s’en déta­cher – on aper­çoit comme une fente qui libère le bout de la langue à la manière d’une tête au bout d’un cou. Tout dans le film est une confir­ma­tion des des­crip­tions d’Aristote : molle, large, et sur­tout flexible, la langue est pos­sé­dée d’une vie propre.

Au bout de la langue
NOUS 2024
p. 92