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La pra­tique de la par­rê­sia s’oppose terme à terme à ce qui est en somme l’art de la rhé­to­rique. (…) Le bon rhé­to­ri­cien, le bon rhé­teur est l’homme qui peut par­fai­te­ment et est capable de dire tout autre chose que ce qu’il sait, tout autre chose que ce qu’il croit, tout autre chose que ce qu’il pense, mais de le dire de telle manière que, au bout du compte, ce qu’il aura dit, et qui n’est ni ce qu’il croit ni ce qu’il pense ni ce qu’il sait, sera, devien­dra ce que pensent, ce que croient et ce que croient savoir ceux aux­quels il l’a adres­sé. Dans la rhé­to­rique, le lien est dénoué entre celui qui parle et ce qu’il dit, mais la rhé­to­rique a pour effet d’établir un lien contrai­gnant entre la chose dite et celui ou ceux aux­quels elle est adres­sée. Vous voyez que, de ce point de vue-là, la rhé­to­rique est exac­te­ment à l’opposé de la par­rê­sia, [qui implique au contraire une] ins­tau­ra­tion forte, mani­feste, évi­dente entre celui qui parle et ce qu’il dit.

Le cou­rage de la véri­té
p. 14–15
alèthurgie dire vrai parrêsia rhétorique tout dire