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Musil, L’homme sans qualités

Ulrich se rap­pe­lait encore très bien com­ment l’incertitude avait retrou­vé son cré­dit. On avait pu lire de plus en plus sou­vent des décla­ra­tions dans les­quelles des gens qui exercent un métier assez incer­tain, des poètes, des cri­tiques, des femmes, ou ceux dont la voca­tion est de for­mer la « nou­velle géné­ra­tion », se plai­gnaient de ce que la science pure fût un poi­son qui dis­sol­vait les grandes œuvres de l’homme sans pou­voir les recom­po­ser, et en appe­laient à une nou­velle foi, à un retour aux sources inté­rieures, à un renou­veau spi­ri­tuel ou autres chan­sons du même genre. Naïvement, il avait com­men­cé par pen­ser que c’étaient là des gens qui s’étaient bles­sés en fai­sant du che­val et main­te­nant, clo­pi­nant, récla­maient à grands cris qu’on les oignît d’âme ; mais il dut recon­naître peu à peu que cet appel réité­ré qui lui avait paru d’abord si comique trou­vait par­tout de vastes échos ; la science com­men­çait à se démo­der, et le type d’homme indé­fi­ni qui domine notre époque avait com­men­cé à s’imposer.

Ulrich s’était refu­sé à prendre la chose au sérieux, et il conti­nua à déve­lop­per à sa manière ses dis­po­si­tions intel­lec­tuelles.

Du tout début de la jeu­nesse, de ces temps où elle com­mence à prendre conscience d’elle-même et qu’il est sou­vent si tou­chant, si bou­le­ver­sant de retrou­ver plus tard, il lui res­tait encore en mémoire toutes sortes d’imaginations naguère aimées, entre autres l’idée de « vivre hypo­thé­ti­que­ment ». Ces deux mots conti­nuaient à évo­quer main­te­nant le cou­rage et l’ignorance invo­lon­taire de la vie, le temps où chaque pas est une aven­ture pri­vée de l’appui de l’expérience, le désir de gran­deur dans les rap­ports et ce souffle de révo­ca­bi­li­té que res­sent un jeune homme lorsqu’il entre dans la vie en hési­tant. Ulrich pen­sait qu’il n’y avait réel­le­ment rien à y reprendre. Le sen­ti­ment pas­sion­nant d’être élu pour quelque chose, quoi que ce soit, voi­là la seule chose belle et cer­taine qu’il y ait en celui dont le regard mesure pour la pre­mière fois le monde. S’il contrôle ses émo­tions, il n’est rien à quoi il puisse dire oui sans réserve ; il cherche la bien-aimée pos­sible, mais il ne sait pas si c’est la bonne ; il est en mesure de tuer sans être cer­tain qu’il doit le faire. Le désir qu’a sa propre nature d’évoluer l’empêche de croire à l’accompli ; mais tout ce qui vient à lui fait comme s’il l’était déjà. Il pressent que cet ordre n’est pas aus­si stable qu’il pré­tend l’être ; aucun objet, aucune per­sonne, aucune forme, aucun prin­cipe ne sont sûrs, tout est empor­té dans une méta­mor­phose invi­sible, mais jamais inter­rom­pue, il y a plus d’avenir dans l’instable que dans le stable, et le pré­sent n’est qu’une hypo­thèse que l’on n’a pas encore dépas­sée. Que pour­rait-il donc faire de mieux que de gar­der sa liber­té à l’égard du monde, dans le bon sens du terme, comme un savant sait res­ter libre à l’égard des faits qui vou­draient l’induire à croire trop pré­ci­pi­tam­ment en eux ? C’est pour­quoi il hésite à deve­nir quelque chose ; un carac­tère, une pro­fes­sion, un mode de vie défi­ni, ce sont là des repré­sen­ta­tions où perce déjà le sque­lette qui sera tout ce qui res­te­ra de lui pour finir. Il cherche à se com­prendre autre­ment ; avec cet appé­tit qu’il a de tout ce qui pour­rait l’enrichir inté­rieu­re­ment (serait-ce même au-delà des limites de la morale ou de la pen­sée), il a l’impression d’être un pas, libre d’aller dans toutes les direc­tions, mais qui va tou­jours d’un point d’équilibre au sui­vant, et tou­jours en avan­çant. Et s’il pense, un beau jour, avoir eu l’idée juste, il s’aperçoit qu’une goutte d’une incan­des­cence indi­cible est tom­bée dans le monde, et que la terre, à sa lueur, a chan­gé d’aspect.

Plus tard, quand sa puis­sance intel­lec­tuelle eut aug­men­té, Ulrich en tira une idée qu’il n’attacha plus désor­mais au mot trop incer­tain d’hypothèse, mais, pour des rai­sons bien pré­cises, à la notion carac­té­ris­tique d’essai. Un peu comme un essai, dans la suc­ces­sion de ses para­graphes, consi­dère de nom­breux aspects d’un objet sans vou­loir le sai­sir dans son ensemble (car un objet sai­si dans son ensemble en perd d’un coup son éten­due et se change en concept), il pen­sait pou­voir consi­dé­rer et trai­ter le monde, ain­si que sa propre vie, avec plus de jus­tesse qu’autrement. La valeur d’une action ou d’une qua­li­té, leur essence et leur nature mêmes lui parais­saient dépendre des cir­cons­tances qui les entou­raient, des fins qu’elles ser­vaient, en un mot, de l’ensemble variable dont elles fai­saient par­tie. C’est là, d’ailleurs, la des­crip­tion tout à fait banale du fait qu’un meurtre peut nous appa­raître comme un crime ou comme un acte d’héroïsme, et l’heure de l’amour comme la plume tom­bée de l’aile d’un ange ou de celle d’une oie. Ulrich la géné­ra­li­sait. Tous les évé­ne­ments moraux avaient lieu à l’intérieur d’un champ de forces dont la constel­la­tion les char­geait de sens, et conte­naient le bien et le mal comme un atome contient ses pos­si­bi­li­tés de com­bi­nai­sons chi­miques. Ils étaient, pour ain­si dire, cela même qu’ils deve­naient, et de même que le mot « blanc » défi­nit trois enti­tés toutes dif­fé­rentes selon que la blan­cheur est en rela­tion avec la nuit, les armes ou les fleurs, tous les évé­ne­ments moraux lui parais­saient être, dans leur signi­fi­ca­tion, fonc­tion d’autres évé­ne­ments. De la sorte nais­sait un sys­tème infi­ni de rap­ports dans lequel on n’eût plus trou­vé une seule de ces signi­fi­ca­tions indé­pen­dantes telles que la vie ordi­naire en accorde, dans une pre­mière et gros­sière approxi­ma­tion, aux actions et aux qua­li­tés ; dans ce sys­tème, ce qui avait l’apparence de la sta­bi­li­té deve­nait le pré­texte poreux de mille autres signi­fi­ca­tions, ce qui se pas­sait deve­nait le sym­bole de ce qui peut-être ne se pas­sait pas, mais était devi­né au tra­vers, et l’homme conçu comme le résu­mé de ses pos­si­bi­li­tés, l’homme poten­tiel, le poème non écrit de la vie s’opposait à l’homme copie, à l’homme réa­li­té, à l’homme carac­tère. Au fond, dans cette concep­tion, Ulrich se sen­tait capable de toutes les ver­tus comme de toutes les bas­sesses ; le fait que les ver­tus et les vices, dans une socié­té équi­li­brée, sont res­sen­tis géné­ra­le­ment, quoique secrè­te­ment, comme éga­le­ment fâcheux, était pour lui la preuve de ce qui se pro­duit par­tout dans la nature, à savoir que tout sys­tème de forces tend peu à peu à une valeur, à un état moyen, à un com­pro­mis et à une pétri­fi­ca­tion. La morale au sens ordi­naire du mot n’était plus pour Ulrich que la forme sénile d’un sys­tème de forces que l’on ne sau­rait, sans une réelle perte de force éthique, confondre avec la véri­table morale.

Peut-être ces concep­tions tra­his­saient-elles aus­si une sorte d’incertitude devant la vie ; mais l’incertitude n’est quel­que­fois que le refus des cer­ti­tudes et des sécu­ri­tés ordi­naires, et l’on est d’ailleurs en droit de rap­pe­ler que même une per­sonne d’expérience comme l’Humanité semble se confor­mer à des prin­cipes ana­logues. Elle révoque à la longue tout ce qu’elle a fait pour le rem­pla­cer par autre chose ; pour elle aus­si, avec le temps, les crimes se trans­forment en ver­tus et inver­se­ment, elle bâtit à coups d’événements de grandes archi­tec­tures intel­lec­tuelles qu’elle laisse après quelques géné­ra­tions s’écrouler ; la seule dif­fé­rence est que cela se pro­duit suc­ces­si­ve­ment au lieu de se pro­duire dans l’unité d’un sen­ti­ment indi­vi­duel, et l’on ne voit dans la chaîne de ses ten­ta­tives aucun pro­grès, alors que le devoir d’un essayiste conscient serait, en gros, de trans­for­mer cette négli­gence en volon­té. L’orientation de mainte évo­lu­tion intel­lec­tuelle laisse pré­voir que cette méta­mor­phose pour­rait n’être plus très loin­taine. La labo­ran­tine d’hôpital, tout de blanc vêtue comme une fleur, qui broie dans un petit plat de por­ce­laine blanche les matières d’un patient afin d’en tirer, avec la col­la­bo­ra­tion de quelque acide, un frot­tis pourpre dont la juste colo­ra­tion sera le prix de son atten­tion, se trouve déjà, même si elle ne s’en doute pas, dans un monde plus trans­for­mable que la jeune dame qui fré­mit devant le même objet aper­çu dans la rue. Le cri­mi­nel entré dans le champ magni­fique de son acte n’est plus qu’un nageur contraint de suivre un cou­rant irré­sis­tible, et toute mère dont l’enfant a été empor­té par un tel cou­rant le sait bien ; sim­ple­ment, jusqu’ici, on ne le croyait pas, parce qu’on n’avait pas de place pour cette croyance. Les psy­chiatres appellent la grande gaie­té « eupho­rie » ou, en alle­mand, « dépres­sion gaie », comme s’il s’agissait d’un gai malaise, et ils ont mon­tré que tous les paroxysmes, ceux de la chas­te­té comme ceux de la sen­sua­li­té, ceux du scru­pule comme ceux de la fri­vo­li­té, ceux de la cruau­té comme ceux de la com­pas­sion, débouchent dans le patho­lo­gique. L’idée de la vie saine aurait dès lors bien peu de sens, si elle n’avait pour but qu’un com­pro­mis entre deux excès ! Et son idéal serait bien mes­quin s’il n’était réel­le­ment que le refus d’exagérer ses idéaux ! De telles consta­ta­tions nous conduisent donc à ne plus voir dans la norme morale l’immobilité figée d’un règle­ment, mais un mou­vant équi­libre qui exige à tout ins­tant que l’on tra­vaille à le renou­ve­ler. On com­mence à consi­dé­rer de plus en plus sou­vent comme le fait d’un esprit bor­né d’assigner pour carac­tère à un homme une ten­dance à la répé­ti­tion acquise invo­lon­tai­re­ment, pour rendre ensuite son carac­tère res­pon­sable de ces mêmes répé­ti­tions. On apprend à recon­naître quels échanges se font entre le dedans et le dehors, et c’est pré­ci­sé­ment par la com­pré­hen­sion de ce qu’il y a d’impersonnel dans l’homme qu’on a fait de nou­velles décou­vertes sur la per­son­na­li­té, sur cer­tains types de com­por­te­ment fon­da­men­taux, sur l’instinct de la construc­tion du Moi qui, comme l’instinct de la construc­tion du nid chez les oiseaux, bâtit son Moi de toute espèce de maté­riaux, selon une ou deux méthodes tou­jours iden­tiques. On est même déjà si près de pou­voir endi­guer, grâce à des influences défi­nies, toute sorte d’états de dégé­né­res­cence comme on endigue un tor­rent, que seule une négli­gence sociale ou un reste de mal­adresse peuvent expli­quer qu’on n’arrive pas encore à trans­for­mer à temps un cri­mi­nel en archange. On pour­rait citer ain­si beau­coup d’autres exemples, des faits dis­per­sés, pas encore col­la­tion­nés, qui, pris tous ensemble, nous font éprou­ver à la fois une las­si­tude à l’égard des approxi­ma­tions gros­sières nées pour être appli­quées dans des condi­tions plus simples, et le besoin de trans­for­mer dans ses fon­de­ments mêmes une morale qui depuis deux mille ans ne s’est jamais adap­tée au chan­ge­ment du goût que dans ses détails, et de l’échanger une bonne fois contre une autre, épou­sant plus étroi­te­ment la mobi­li­té des faits.

Ulrich konnte sich noch gut erin­nern, wie das Unsichere wie­der zu Ansehen gekom­men war. Immer mehr hat­ten sich Äußerungen gehäuft, wo Menschen, die ein etwas unsi­cheres Metier betrie­ben, Dichter, Kritiker, Frauen und die den Beruf einer neuen Generation Ausübenden, Klage erho­ben, daß das pure Wissen einem unse­li­gen Etwas gleiche, das alles hohe Menschenwerk zer­reiße, ohne es je wie­der zusam­men­set­zen zu kön­nen, und sie ver­lang­ten einen neuen Menschheitsglauben, Rückkehr zu den inne­ren Urtümern, geis­ti­gen Aufschwung und aller­lei von sol­cher Art. Er hatte anfangs nai­ver Weise ange­nom­men, das seien Leute, die sich auf­ge­rit­ten haben und hin­kend vom Pferd stei­gen, schreiend, daß man sie mit Seele ein­sch­miere ; aber er mußte allmäh­lich erken­nen, daß der sich wie­de­rho­lende Ruf, der ihm anfangs so komisch erschie­nen war, einen brei­ten Widerhall fand ; das Wissen fing an, unzeit­gemäß zu wer­den, der unscharfe Typus Mensch, der die Gegenwart beherr­scht, hatte sich dur­ch­zu­set­zen begon­nen.

Ulrich hatte sich dage­gen auf­ge­lehnt, das ernst zu neh­men, und bil­dete nun seine geis­ti­gen Neigungen auf eigene Art wei­ter.

Aus der frü­hes­ten Zeit des ers­ten Selbstbewußtseins der Jugend, die spä­ter wie­der anzu­bli­cken oft so rüh­rend und erschüt­ternd ist, waren heute noch alle­rhand einst geliebte Vorstellungen in sei­ner Erinnerung vorhan­den, und darun­ter das Wort »hypo­the­tisch leben«. Es drückte noch immer den Mut und die unfrei­willige Unkenntnis des Lebens aus, wo jeder Schritt ein Wagnis ohne Erfahrung ist, und den Wunsch nach großen Zusammenhängen und den Hauch der Widerruflichkeit, den ein jun­ger Mensch fühlt, wenn er zögernd ins Leben tritt. Ulrich dachte, daß davon eigent­lich nichts zurü­ck­zu­neh­men sei. Ein span­nendes Gefühl, zu irgen­det­was auser­se­hen zu sein, ist das Schöne und ein­zig Gewisse in dem, des­sen Blick zum ers­ten­mal die Welt mus­tert. Er kann, wenn er seine Empfindungen über­wacht, zu nichts ohne Vorbehalt ja sagen ; er sucht die mögliche Geliebte, aber weiß nicht, ob es die rich­tige ist ; er ist imstande zu töten, ohne sicher zu sein, daß er es tun muß. Der Wille sei­ner eige­nen Natur, sich zu ent­wi­ckeln, ver­bie­tet ihm, an das Vollendete zu glau­ben ; aber alles, was ihm ent­ge­gen­tritt, tut so, als ob es vol­len­det wäre. Er ahnt : diese Ordnung ist nicht so fest, wie sie sich gibt ; kein Ding, kein Ich, keine Form, kein Grundsatz sind sicher, alles ist in einer unsicht­ba­ren, aber nie­mals ruhen­den Wandlung begrif­fen, im Unfesten liegt mehr von der Zukunft als im Festen, und die Gegenwart ist nichts als eine Hypothese, über die man noch nicht hinaus­ge­kom­men ist. Was sollte er da Besseres tun kön­nen, als sich von der Welt frei­zu­hal­ten, in jenem guten Sinn, den ein Forscher Tatsachen gegenü­ber bewahrt, die ihn verfüh­ren wol­len, vorei­lig an sie zu glau­ben ! Darum zögert er, aus sich etwas zu machen ; ein Charakter, Beruf, eine feste Wesensart, das sind für ihn Vorstellungen, in denen sich schon das Gerippe dur­ch­zeich­net, das zuletzt von ihm übrig blei­ben soll. Er sucht sich anders zu vers­te­hen ; mit einer Neigung zu allem, was ihn inner­lich mehrt, und sei es auch mora­lisch oder intel­lek­tuell ver­bo­ten, fühlt er sich wie einen Schritt, der nach allen Seiten frei ist, aber von einem Gleichgewicht zum nächs­ten und immer vorwärts führt. Und meint er ein­mal, den ech­ten Einfall zu haben, so nimmt er wahr, daß ein Tropfen unsag­ba­rer Glut in die Welt gefal­len ist, deren Leuchten die Erde anders aus­se­hen macht.

In Ulrich war spä­ter, bei gemehr­tem geis­ti­gen Vermögen, daraus eine Vorstellung gewor­den, die er nun nicht mehr mit dem unsi­che­ren Wort Hypothese, son­dern aus bes­timm­ten Gründen mit dem eigentüm­li­chen Begriff eines Essays ver­band. Ungefähr wie ein Essay in der Folge sei­ner Abschnitte ein Ding von vie­len Seiten nimmt, ohne es ganz zu erfas­sen, – denn ein ganz erfaßtes Ding ver­liert mit einem Male sei­nen Umfang und schmilzt zu einem Begriff ein – glaubte er, Welt und eigenes Leben am rich­tig­sten anse­hen und behan­deln zu kön­nen. Der Wert einer Handlung oder einer Eigenschaft, ja sogar deren Wesen und Natur erschie­nen ihm abhän­gig von den Umständen, die sie umga­ben, von den Zielen, denen sie dien­ten, mit einem Wort, von dem bald so, bald anders bes­chaf­fe­nen Ganzen, dem sie angehör­ten. Das ist übri­gens nur die ein­fache Beschreibung der Tatsache, daß uns ein Mord als ein Verbrechen oder als eine heroische Tat erschei­nen kann und die Stunde der Liebe als die Feder, die aus dem Flügel eines Engels oder einer Gans gefal­len ist. Aber Ulrich verall­ge­mei­nerte sie. Dann fan­den alle mora­li­schen Ereignisse in einem Kraftfeld statt, des­sen Konstellation sie mit Sinn belud, und sie enthiel­ten das Gute und das Böse wie ein Atom che­mische Verbindungsmöglichkeiten enthält. Sie waren gewis­ser­maßen das, was sie wur­den, und so wie das eine Wort Hart, je nach­dem, ob die Härte mit Liebe, Roheit, Eifer oder Strenge zusam­menhängt, vier ganz ver­schie­dene Wesenheiten bezeich­net, erschie­nen ihm alle mora­li­schen Geschehnisse in ihrer Bedeutung als die abhän­gige Funktion ande­rer. Es ents­tand auf diese Weise ein unend­liches System von Zusammenhängen, in dem es unabhän­gige Bedeutungen, wie sie das gewöhn­liche Leben in einer gro­ben ers­ten Annäherung den Handlungen und Eigenschaften zuschreibt, übe­rhaupt nicht mehr gab ; das schein­bare Feste wurde darin zum dur­chläs­si­gen Vorwand für viele andere Bedeutungen, das Geschehende zum Symbol von etwas, das viel­leicht nicht ges­chah, aber hin­durch gefühlt wurde, und der Mensch als Inbegriff sei­ner Möglichkeiten, der poten­tielle Mensch, das unges­chrie­bene Gedicht seines Daseins trat dem Menschen als Niederschrift, als Wirklichkeit und Charakter ent­ge­gen. Im Grunde fühlte sich Ulrich nach die­ser Anschauung jeder Tugend und jeder Schlechtigkeit fähig, und daß Tugenden wie Laster in einer aus­ge­gli­che­nen Gesellschaftsordnung all­ge­mein, wenn auch unein­ges­tan­den, als gleich läs­tig emp­fun­den wer­den, bewies ihm gerade das, was in der Natur allen­thal­ben ges­chieht, daß jedes Kräftespiel mit der Zeit einem Mittelwert und Mittelzustand, einem Ausgleich und einer Erstarrung zus­trebt. Die Moral im gewöhn­li­chen Sinn war für Ulrich nicht mehr als die Altersform eines Kräftesystems, das nicht ohne Verlust an ethi­scher Kraft mit ihr ver­wech­selt wer­den darf.

Es mag sein, daß sich auch in die­sen Anschauungen eine gewisse Lebensunsicherheit aus­drückte ; allein Unsicherheit ist mitun­ter nichts als das Ungenügen an den gewöhn­li­chen Sicherungen, und im übri­gen darf wohl daran erin­nert wer­den, daß selbst eine so erfah­rene Person, wie es die Menschheit ist, schein­bar nach ganz ähn­li­chen Grundsätzen han­delt. Sie wider­ruft auf die Dauer alles, was sie getan hat, und setzt anderes an seine Stelle, auch ihr ver­wan­deln sich im Lauf der Zeit Verbrechen in Tugenden und umge­kehrt, sie baut große geis­tige Zusammenhänge aller Geschehnisse auf und läßt sie nach eini­gen Menschenaltern wie­der einstür­zen ; nur ges­chieht das nachei­nan­der, statt in einem ein­heit­li­chen Lebensgefühl, und die Kette ihrer Versuche läßt keine Steigerung erken­nen, wäh­rend ein bewuß­ter men­schli­cher Essayismus ungefähr die Aufgabe vorfände, die­sen fahrläs­si­gen Bewußtseinszustand der Welt in einen Willen zu ver­wan­deln. Und viele ein­zelne Entwicklungslinien wei­sen dahin, daß dies bald ges­che­hen könnte. Die Gehilfin in einem Krankenhaus, die, blü­ten­weiß gek­lei­det, den Kot eines Patienten in einem weißen Porzellanschüsselchen mit hel­fen­den Säuren zu einem pur­pur­far­be­nen Aufstrich ver­reibt, des­sen rich­tige Farbe ihre Aufmerksamkeit belohnt, befin­det sich schon jetzt, auch wenn sie es nicht weiß, in einer wan­del­ba­re­ren Welt als die junge Dame, die vor dem glei­chen Gegenstand auf der Straße erschauert. Der Verbrecher, der in das mora­lische Kraftfeld sei­ner Tat gera­ten ist, bewegt sich nur noch wie ein Schwimmer, der mit einem reißen­den Strom mit­muß, und jede Mutter, deren Kind ein­mal hinein­ge­ris­sen wor­den ist, weiß das ; man hat es ihr bisher bloß nicht geglaubt, weil man kei­nen Platz für die­sen Glauben hatte. Die Psychiatrie nennt die große Heiterkeit eine hei­tere Verstimmung, als ob sie hei­tere Unlust wäre, und hat erken­nen las­sen, daß alle großen Steigerungen, die der Keuschheit wie der Sinnlichkeit, der Gewissenhaftigkeit wie des Leichtsinns, der Grausamkeit wie des Mitleidens ins Krankhafte mün­den ; wie wenig würde da noch das gesunde Leben bedeu­ten, wenn es nur einen mit­tle­ren Zustand zwi­schen zwei Übertreibungen zum Ziel hätte ! Wie dürf­tig wäre es schon, wenn sein Ideal wirk­lich nichts anderes als die Leugnung der Übertreibung sei­ner Ideale wäre?! Solche Erkenntnisse füh­ren also dazu, in der mora­li­schen Norm nicht län­ger die Ruhe star­rer Satzungen zu sehen, son­dern ein bewe­gliches Gleichgewicht, das in jedem Augenblick Leistungen zu sei­ner Erneuerung for­dert. Man beginnt, es immer mehr als bes­chränkt zu emp­fin­den, unwillkür­lich erwor­bene Wiederholungsdispositionen einem Menschen als Charakter zuzu­schrei­ben und dann sei­nen Charakter für die Wiederholungen verant­wort­lich zu machen. Man lernt das Wechselspiel zwi­schen Innen und Außen erken­nen, und gerade durch das Verständnis für das Unpersönliche am Menschen ist man dem Persönlichen auf neue Spuren gekom­men, auf gewisse ein­fache Grundverhaltensweisen, einen Ichbautrieb, der wie der Nestbautrieb der Vögel aus vie­ler Art Stoff nach ein paar Verfahren sein Ich aufrich­tet. Man ist bereits so nahe daran, durch bes­timmte Einflüsse alle­rhand entar­tete Zustände ver­bauen zu kön­nen wie einen Wildbach, daß es bei­nahe nur noch auf eine soziale Fahrlässigkeit hinausläuft oder auf einen Rest von Ungeschicklichkeit, wenn man aus Verbrechern nicht recht­zei­tig Erzengel macht. Und so ließe sich sehr vieles anfüh­ren, Zerstreutes, einan­der noch nicht nahe Gekommenes, was zusam­men­wirkt, daß man der gro­ben Annäherungen müde wird, die unter ein­fa­che­ren Bedingungen für ihre Anwendung ents­tan­den sind, und allmäh­lich die Nötigung erlebt, eine Moral, die seit zwei­tau­send Jahren immer nur im klei­nen dem wech­seln­den Geschmack ange­paßt wor­den ist, in den Grundlagen der Form zu verän­dern und gegen eine andere ein­zu­tau­schen, die sich der Beweglichkeit der Tatsachen genauer ansch­miegt.

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t. 1
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chap. 62  : « La terre même, mais Ulrich en par­ti­cu­lier, rend hom­mage à l’utopie de l’essayisme »
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trad.  Philippe Jaccottet
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p. 314–318