Ulrich se rappelait encore très bien comment l’incertitude avait retrouvé son crédit. On avait pu lire de plus en plus souvent des déclarations dans lesquelles des gens qui exercent un métier assez incertain, des poètes, des critiques, des femmes, ou ceux dont la vocation est de former la « nouvelle génération », se plaignaient de ce que la science pure fût un poison qui dissolvait les grandes œuvres de l’homme sans pouvoir les recomposer, et en appelaient à une nouvelle foi, à un retour aux sources intérieures, à un renouveau spirituel ou autres chansons du même genre. Naïvement, il avait commencé par penser que c’étaient là des gens qui s’étaient blessés en faisant du cheval et maintenant, clopinant, réclamaient à grands cris qu’on les oignît d’âme ; mais il dut reconnaître peu à peu que cet appel réitéré qui lui avait paru d’abord si comique trouvait partout de vastes échos ; la science commençait à se démoder, et le type d’homme indéfini qui domine notre époque avait commencé à s’imposer.
Ulrich s’était refusé à prendre la chose au sérieux, et il continua à développer à sa manière ses dispositions intellectuelles.
Du tout début de la jeunesse, de ces temps où elle commence à prendre conscience d’elle-même et qu’il est souvent si touchant, si bouleversant de retrouver plus tard, il lui restait encore en mémoire toutes sortes d’imaginations naguère aimées, entre autres l’idée de « vivre hypothétiquement ». Ces deux mots continuaient à évoquer maintenant le courage et l’ignorance involontaire de la vie, le temps où chaque pas est une aventure privée de l’appui de l’expérience, le désir de grandeur dans les rapports et ce souffle de révocabilité que ressent un jeune homme lorsqu’il entre dans la vie en hésitant. Ulrich pensait qu’il n’y avait réellement rien à y reprendre. Le sentiment passionnant d’être élu pour quelque chose, quoi que ce soit, voilà la seule chose belle et certaine qu’il y ait en celui dont le regard mesure pour la première fois le monde. S’il contrôle ses émotions, il n’est rien à quoi il puisse dire oui sans réserve ; il cherche la bien-aimée possible, mais il ne sait pas si c’est la bonne ; il est en mesure de tuer sans être certain qu’il doit le faire. Le désir qu’a sa propre nature d’évoluer l’empêche de croire à l’accompli ; mais tout ce qui vient à lui fait comme s’il l’était déjà. Il pressent que cet ordre n’est pas aussi stable qu’il prétend l’être ; aucun objet, aucune personne, aucune forme, aucun principe ne sont sûrs, tout est emporté dans une métamorphose invisible, mais jamais interrompue, il y a plus d’avenir dans l’instable que dans le stable, et le présent n’est qu’une hypothèse que l’on n’a pas encore dépassée. Que pourrait-il donc faire de mieux que de garder sa liberté à l’égard du monde, dans le bon sens du terme, comme un savant sait rester libre à l’égard des faits qui voudraient l’induire à croire trop précipitamment en eux ? C’est pourquoi il hésite à devenir quelque chose ; un caractère, une profession, un mode de vie défini, ce sont là des représentations où perce déjà le squelette qui sera tout ce qui restera de lui pour finir. Il cherche à se comprendre autrement ; avec cet appétit qu’il a de tout ce qui pourrait l’enrichir intérieurement (serait-ce même au-delà des limites de la morale ou de la pensée), il a l’impression d’être un pas, libre d’aller dans toutes les directions, mais qui va toujours d’un point d’équilibre au suivant, et toujours en avançant. Et s’il pense, un beau jour, avoir eu l’idée juste, il s’aperçoit qu’une goutte d’une incandescence indicible est tombée dans le monde, et que la terre, à sa lueur, a changé d’aspect.
Plus tard, quand sa puissance intellectuelle eut augmenté, Ulrich en tira une idée qu’il n’attacha plus désormais au mot trop incertain d’hypothèse, mais, pour des raisons bien précises, à la notion caractéristique d’essai. Un peu comme un essai, dans la succession de ses paragraphes, considère de nombreux aspects d’un objet sans vouloir le saisir dans son ensemble (car un objet saisi dans son ensemble en perd d’un coup son étendue et se change en concept), il pensait pouvoir considérer et traiter le monde, ainsi que sa propre vie, avec plus de justesse qu’autrement. La valeur d’une action ou d’une qualité, leur essence et leur nature mêmes lui paraissaient dépendre des circonstances qui les entouraient, des fins qu’elles servaient, en un mot, de l’ensemble variable dont elles faisaient partie. C’est là, d’ailleurs, la description tout à fait banale du fait qu’un meurtre peut nous apparaître comme un crime ou comme un acte d’héroïsme, et l’heure de l’amour comme la plume tombée de l’aile d’un ange ou de celle d’une oie. Ulrich la généralisait. Tous les événements moraux avaient lieu à l’intérieur d’un champ de forces dont la constellation les chargeait de sens, et contenaient le bien et le mal comme un atome contient ses possibilités de combinaisons chimiques. Ils étaient, pour ainsi dire, cela même qu’ils devenaient, et de même que le mot « blanc » définit trois entités toutes différentes selon que la blancheur est en relation avec la nuit, les armes ou les fleurs, tous les événements moraux lui paraissaient être, dans leur signification, fonction d’autres événements. De la sorte naissait un système infini de rapports dans lequel on n’eût plus trouvé une seule de ces significations indépendantes telles que la vie ordinaire en accorde, dans une première et grossière approximation, aux actions et aux qualités ; dans ce système, ce qui avait l’apparence de la stabilité devenait le prétexte poreux de mille autres significations, ce qui se passait devenait le symbole de ce qui peut-être ne se passait pas, mais était deviné au travers, et l’homme conçu comme le résumé de ses possibilités, l’homme potentiel, le poème non écrit de la vie s’opposait à l’homme copie, à l’homme réalité, à l’homme caractère. Au fond, dans cette conception, Ulrich se sentait capable de toutes les vertus comme de toutes les bassesses ; le fait que les vertus et les vices, dans une société équilibrée, sont ressentis généralement, quoique secrètement, comme également fâcheux, était pour lui la preuve de ce qui se produit partout dans la nature, à savoir que tout système de forces tend peu à peu à une valeur, à un état moyen, à un compromis et à une pétrification. La morale au sens ordinaire du mot n’était plus pour Ulrich que la forme sénile d’un système de forces que l’on ne saurait, sans une réelle perte de force éthique, confondre avec la véritable morale.
Peut-être ces conceptions trahissaient-elles aussi une sorte d’incertitude devant la vie ; mais l’incertitude n’est quelquefois que le refus des certitudes et des sécurités ordinaires, et l’on est d’ailleurs en droit de rappeler que même une personne d’expérience comme l’Humanité semble se conformer à des principes analogues. Elle révoque à la longue tout ce qu’elle a fait pour le remplacer par autre chose ; pour elle aussi, avec le temps, les crimes se transforment en vertus et inversement, elle bâtit à coups d’événements de grandes architectures intellectuelles qu’elle laisse après quelques générations s’écrouler ; la seule différence est que cela se produit successivement au lieu de se produire dans l’unité d’un sentiment individuel, et l’on ne voit dans la chaîne de ses tentatives aucun progrès, alors que le devoir d’un essayiste conscient serait, en gros, de transformer cette négligence en volonté. L’orientation de mainte évolution intellectuelle laisse prévoir que cette métamorphose pourrait n’être plus très lointaine. La laborantine d’hôpital, tout de blanc vêtue comme une fleur, qui broie dans un petit plat de porcelaine blanche les matières d’un patient afin d’en tirer, avec la collaboration de quelque acide, un frottis pourpre dont la juste coloration sera le prix de son attention, se trouve déjà, même si elle ne s’en doute pas, dans un monde plus transformable que la jeune dame qui frémit devant le même objet aperçu dans la rue. Le criminel entré dans le champ magnifique de son acte n’est plus qu’un nageur contraint de suivre un courant irrésistible, et toute mère dont l’enfant a été emporté par un tel courant le sait bien ; simplement, jusqu’ici, on ne le croyait pas, parce qu’on n’avait pas de place pour cette croyance. Les psychiatres appellent la grande gaieté « euphorie » ou, en allemand, « dépression gaie », comme s’il s’agissait d’un gai malaise, et ils ont montré que tous les paroxysmes, ceux de la chasteté comme ceux de la sensualité, ceux du scrupule comme ceux de la frivolité, ceux de la cruauté comme ceux de la compassion, débouchent dans le pathologique. L’idée de la vie saine aurait dès lors bien peu de sens, si elle n’avait pour but qu’un compromis entre deux excès ! Et son idéal serait bien mesquin s’il n’était réellement que le refus d’exagérer ses idéaux ! De telles constatations nous conduisent donc à ne plus voir dans la norme morale l’immobilité figée d’un règlement, mais un mouvant équilibre qui exige à tout instant que l’on travaille à le renouveler. On commence à considérer de plus en plus souvent comme le fait d’un esprit borné d’assigner pour caractère à un homme une tendance à la répétition acquise involontairement, pour rendre ensuite son caractère responsable de ces mêmes répétitions. On apprend à reconnaître quels échanges se font entre le dedans et le dehors, et c’est précisément par la compréhension de ce qu’il y a d’impersonnel dans l’homme qu’on a fait de nouvelles découvertes sur la personnalité, sur certains types de comportement fondamentaux, sur l’instinct de la construction du Moi qui, comme l’instinct de la construction du nid chez les oiseaux, bâtit son Moi de toute espèce de matériaux, selon une ou deux méthodes toujours identiques. On est même déjà si près de pouvoir endiguer, grâce à des influences définies, toute sorte d’états de dégénérescence comme on endigue un torrent, que seule une négligence sociale ou un reste de maladresse peuvent expliquer qu’on n’arrive pas encore à transformer à temps un criminel en archange. On pourrait citer ainsi beaucoup d’autres exemples, des faits dispersés, pas encore collationnés, qui, pris tous ensemble, nous font éprouver à la fois une lassitude à l’égard des approximations grossières nées pour être appliquées dans des conditions plus simples, et le besoin de transformer dans ses fondements mêmes une morale qui depuis deux mille ans ne s’est jamais adaptée au changement du goût que dans ses détails, et de l’échanger une bonne fois contre une autre, épousant plus étroitement la mobilité des faits.
Ulrich konnte sich noch gut erinnern, wie das Unsichere wieder zu Ansehen gekommen war. Immer mehr hatten sich Äußerungen gehäuft, wo Menschen, die ein etwas unsicheres Metier betrieben, Dichter, Kritiker, Frauen und die den Beruf einer neuen Generation Ausübenden, Klage erhoben, daß das pure Wissen einem unseligen Etwas gleiche, das alles hohe Menschenwerk zerreiße, ohne es je wieder zusammensetzen zu können, und sie verlangten einen neuen Menschheitsglauben, Rückkehr zu den inneren Urtümern, geistigen Aufschwung und allerlei von solcher Art. Er hatte anfangs naiver Weise angenommen, das seien Leute, die sich aufgeritten haben und hinkend vom Pferd steigen, schreiend, daß man sie mit Seele einschmiere ; aber er mußte allmählich erkennen, daß der sich wiederholende Ruf, der ihm anfangs so komisch erschienen war, einen breiten Widerhall fand ; das Wissen fing an, unzeitgemäß zu werden, der unscharfe Typus Mensch, der die Gegenwart beherrscht, hatte sich durchzusetzen begonnen.
Ulrich hatte sich dagegen aufgelehnt, das ernst zu nehmen, und bildete nun seine geistigen Neigungen auf eigene Art weiter.
Aus der frühesten Zeit des ersten Selbstbewußtseins der Jugend, die später wieder anzublicken oft so rührend und erschütternd ist, waren heute noch allerhand einst geliebte Vorstellungen in seiner Erinnerung vorhanden, und darunter das Wort »hypothetisch leben«. Es drückte noch immer den Mut und die unfreiwillige Unkenntnis des Lebens aus, wo jeder Schritt ein Wagnis ohne Erfahrung ist, und den Wunsch nach großen Zusammenhängen und den Hauch der Widerruflichkeit, den ein junger Mensch fühlt, wenn er zögernd ins Leben tritt. Ulrich dachte, daß davon eigentlich nichts zurückzunehmen sei. Ein spannendes Gefühl, zu irgendetwas ausersehen zu sein, ist das Schöne und einzig Gewisse in dem, dessen Blick zum erstenmal die Welt mustert. Er kann, wenn er seine Empfindungen überwacht, zu nichts ohne Vorbehalt ja sagen ; er sucht die mögliche Geliebte, aber weiß nicht, ob es die richtige ist ; er ist imstande zu töten, ohne sicher zu sein, daß er es tun muß. Der Wille seiner eigenen Natur, sich zu entwickeln, verbietet ihm, an das Vollendete zu glauben ; aber alles, was ihm entgegentritt, tut so, als ob es vollendet wäre. Er ahnt : diese Ordnung ist nicht so fest, wie sie sich gibt ; kein Ding, kein Ich, keine Form, kein Grundsatz sind sicher, alles ist in einer unsichtbaren, aber niemals ruhenden Wandlung begriffen, im Unfesten liegt mehr von der Zukunft als im Festen, und die Gegenwart ist nichts als eine Hypothese, über die man noch nicht hinausgekommen ist. Was sollte er da Besseres tun können, als sich von der Welt freizuhalten, in jenem guten Sinn, den ein Forscher Tatsachen gegenüber bewahrt, die ihn verführen wollen, voreilig an sie zu glauben ! Darum zögert er, aus sich etwas zu machen ; ein Charakter, Beruf, eine feste Wesensart, das sind für ihn Vorstellungen, in denen sich schon das Gerippe durchzeichnet, das zuletzt von ihm übrig bleiben soll. Er sucht sich anders zu verstehen ; mit einer Neigung zu allem, was ihn innerlich mehrt, und sei es auch moralisch oder intellektuell verboten, fühlt er sich wie einen Schritt, der nach allen Seiten frei ist, aber von einem Gleichgewicht zum nächsten und immer vorwärts führt. Und meint er einmal, den echten Einfall zu haben, so nimmt er wahr, daß ein Tropfen unsagbarer Glut in die Welt gefallen ist, deren Leuchten die Erde anders aussehen macht.
In Ulrich war später, bei gemehrtem geistigen Vermögen, daraus eine Vorstellung geworden, die er nun nicht mehr mit dem unsicheren Wort Hypothese, sondern aus bestimmten Gründen mit dem eigentümlichen Begriff eines Essays verband. Ungefähr wie ein Essay in der Folge seiner Abschnitte ein Ding von vielen Seiten nimmt, ohne es ganz zu erfassen, – denn ein ganz erfaßtes Ding verliert mit einem Male seinen Umfang und schmilzt zu einem Begriff ein – glaubte er, Welt und eigenes Leben am richtigsten ansehen und behandeln zu können. Der Wert einer Handlung oder einer Eigenschaft, ja sogar deren Wesen und Natur erschienen ihm abhängig von den Umständen, die sie umgaben, von den Zielen, denen sie dienten, mit einem Wort, von dem bald so, bald anders beschaffenen Ganzen, dem sie angehörten. Das ist übrigens nur die einfache Beschreibung der Tatsache, daß uns ein Mord als ein Verbrechen oder als eine heroische Tat erscheinen kann und die Stunde der Liebe als die Feder, die aus dem Flügel eines Engels oder einer Gans gefallen ist. Aber Ulrich verallgemeinerte sie. Dann fanden alle moralischen Ereignisse in einem Kraftfeld statt, dessen Konstellation sie mit Sinn belud, und sie enthielten das Gute und das Böse wie ein Atom chemische Verbindungsmöglichkeiten enthält. Sie waren gewissermaßen das, was sie wurden, und so wie das eine Wort Hart, je nachdem, ob die Härte mit Liebe, Roheit, Eifer oder Strenge zusammenhängt, vier ganz verschiedene Wesenheiten bezeichnet, erschienen ihm alle moralischen Geschehnisse in ihrer Bedeutung als die abhängige Funktion anderer. Es entstand auf diese Weise ein unendliches System von Zusammenhängen, in dem es unabhängige Bedeutungen, wie sie das gewöhnliche Leben in einer groben ersten Annäherung den Handlungen und Eigenschaften zuschreibt, überhaupt nicht mehr gab ; das scheinbare Feste wurde darin zum durchlässigen Vorwand für viele andere Bedeutungen, das Geschehende zum Symbol von etwas, das vielleicht nicht geschah, aber hindurch gefühlt wurde, und der Mensch als Inbegriff seiner Möglichkeiten, der potentielle Mensch, das ungeschriebene Gedicht seines Daseins trat dem Menschen als Niederschrift, als Wirklichkeit und Charakter entgegen. Im Grunde fühlte sich Ulrich nach dieser Anschauung jeder Tugend und jeder Schlechtigkeit fähig, und daß Tugenden wie Laster in einer ausgeglichenen Gesellschaftsordnung allgemein, wenn auch uneingestanden, als gleich lästig empfunden werden, bewies ihm gerade das, was in der Natur allenthalben geschieht, daß jedes Kräftespiel mit der Zeit einem Mittelwert und Mittelzustand, einem Ausgleich und einer Erstarrung zustrebt. Die Moral im gewöhnlichen Sinn war für Ulrich nicht mehr als die Altersform eines Kräftesystems, das nicht ohne Verlust an ethischer Kraft mit ihr verwechselt werden darf.
Es mag sein, daß sich auch in diesen Anschauungen eine gewisse Lebensunsicherheit ausdrückte ; allein Unsicherheit ist mitunter nichts als das Ungenügen an den gewöhnlichen Sicherungen, und im übrigen darf wohl daran erinnert werden, daß selbst eine so erfahrene Person, wie es die Menschheit ist, scheinbar nach ganz ähnlichen Grundsätzen handelt. Sie widerruft auf die Dauer alles, was sie getan hat, und setzt anderes an seine Stelle, auch ihr verwandeln sich im Lauf der Zeit Verbrechen in Tugenden und umgekehrt, sie baut große geistige Zusammenhänge aller Geschehnisse auf und läßt sie nach einigen Menschenaltern wieder einstürzen ; nur geschieht das nacheinander, statt in einem einheitlichen Lebensgefühl, und die Kette ihrer Versuche läßt keine Steigerung erkennen, während ein bewußter menschlicher Essayismus ungefähr die Aufgabe vorfände, diesen fahrlässigen Bewußtseinszustand der Welt in einen Willen zu verwandeln. Und viele einzelne Entwicklungslinien weisen dahin, daß dies bald geschehen könnte. Die Gehilfin in einem Krankenhaus, die, blütenweiß gekleidet, den Kot eines Patienten in einem weißen Porzellanschüsselchen mit helfenden Säuren zu einem purpurfarbenen Aufstrich verreibt, dessen richtige Farbe ihre Aufmerksamkeit belohnt, befindet sich schon jetzt, auch wenn sie es nicht weiß, in einer wandelbareren Welt als die junge Dame, die vor dem gleichen Gegenstand auf der Straße erschauert. Der Verbrecher, der in das moralische Kraftfeld seiner Tat geraten ist, bewegt sich nur noch wie ein Schwimmer, der mit einem reißenden Strom mitmuß, und jede Mutter, deren Kind einmal hineingerissen worden ist, weiß das ; man hat es ihr bisher bloß nicht geglaubt, weil man keinen Platz für diesen Glauben hatte. Die Psychiatrie nennt die große Heiterkeit eine heitere Verstimmung, als ob sie heitere Unlust wäre, und hat erkennen lassen, daß alle großen Steigerungen, die der Keuschheit wie der Sinnlichkeit, der Gewissenhaftigkeit wie des Leichtsinns, der Grausamkeit wie des Mitleidens ins Krankhafte münden ; wie wenig würde da noch das gesunde Leben bedeuten, wenn es nur einen mittleren Zustand zwischen zwei Übertreibungen zum Ziel hätte ! Wie dürftig wäre es schon, wenn sein Ideal wirklich nichts anderes als die Leugnung der Übertreibung seiner Ideale wäre?! Solche Erkenntnisse führen also dazu, in der moralischen Norm nicht länger die Ruhe starrer Satzungen zu sehen, sondern ein bewegliches Gleichgewicht, das in jedem Augenblick Leistungen zu seiner Erneuerung fordert. Man beginnt, es immer mehr als beschränkt zu empfinden, unwillkürlich erworbene Wiederholungsdispositionen einem Menschen als Charakter zuzuschreiben und dann seinen Charakter für die Wiederholungen verantwortlich zu machen. Man lernt das Wechselspiel zwischen Innen und Außen erkennen, und gerade durch das Verständnis für das Unpersönliche am Menschen ist man dem Persönlichen auf neue Spuren gekommen, auf gewisse einfache Grundverhaltensweisen, einen Ichbautrieb, der wie der Nestbautrieb der Vögel aus vieler Art Stoff nach ein paar Verfahren sein Ich aufrichtet. Man ist bereits so nahe daran, durch bestimmte Einflüsse allerhand entartete Zustände verbauen zu können wie einen Wildbach, daß es beinahe nur noch auf eine soziale Fahrlässigkeit hinausläuft oder auf einen Rest von Ungeschicklichkeit, wenn man aus Verbrechern nicht rechtzeitig Erzengel macht. Und so ließe sich sehr vieles anführen, Zerstreutes, einander noch nicht nahe Gekommenes, was zusammenwirkt, daß man der groben Annäherungen müde wird, die unter einfacheren Bedingungen für ihre Anwendung entstanden sind, und allmählich die Nötigung erlebt, eine Moral, die seit zweitausend Jahren immer nur im kleinen dem wechselnden Geschmack angepaßt worden ist, in den Grundlagen der Form zu verändern und gegen eine andere einzutauschen, die sich der Beweglichkeit der Tatsachen genauer anschmiegt.