Dans la mesure où les savants occidentaux reconnaissaient l’existence des Orientaux de leur temps, des courants de la pensée et de la culture orientales de leur époque, c’était soit comme des ombres muettes que l’orientaliste devait animer, amener à la réalité, soit comme une espèce de prolétariat culturel et intellectuel utile pour que l’orientaliste exerce son activité supérieure d’interprétation, nécessaire pour qu’il joue son rôle d’homme et de puissante volonté culturelle. Je veux dire que, lorsqu’on discute de l’Orient, celui-ci est tout absence, alors qu’on ressent l’orientaliste et ce qu’il dit comme une présence ; mais il ne faut pas oublier que c’est justement l’absence de l’Orient qui rend possible la présence de l’orientaliste. Il est clair que ce fait de substitution et de déplacement, comme il faut l’appeler, exerce sur l’orientaliste lui-même une certaine influence qui lui fait rabaisser l’Orient dans son travail, même après qu’il a consacré beaucoup de temps à l’élucider et à l’exposer.
To the extent that Western scholars were aware of contemporary Orientals or Oriental movements of thought and culture, these were perceived either as silent shadows to be animated by the Orientalist, brought into reality by him, or as a kind of cultural and intellectual proletariat useful for the Orientalist’s grander interpretative activity, necessary for his performance as superior judge, learned man, powerful cultural will. I mean to say that in discussions of the Orient, the Orient is all absence, whereas one feels the Orientalist and what he says as presence ; yet we must not forget that the Orientalist’s presence is enabled by the Orient’s effective absence. This fact of substitution and displacement, as we must call it, clearly places on the Orientalist himself a certain pressure to reduce the Orient in his work, even after he has devoted a good deal of time to elucidating and exposing it.