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Et un peu plus loin il ajoute : Tu es le meilleur et le plus par­fait des philo­sophes, étant le mar­tyr, le témoin de la véri­té (mar­tu­rôn tês alê­theias). Alors bien sûr, mar­tu­rôn ([du verbe] mar­tu­rein) ne désigne pas unique­ment le mar­tyr au sens que nous don­nons d’or­di­naire à ce terme. C’est le témoi­gnage de la véri­té qui est ici dési­gné. Mais vous voyez bien que dans la bouche de Grégoire, il ne s’a­git pas sim­ple­ment du témoi­gnage ver­bal de quel­qu’un qui dirait la véri­té. Il s’a­git bien de quel­qu’un qui, dans sa vie même, dans sa vie de chien, n’a pas ces­sé, depuis le moment où il a embras­sé l’as­cé­tisme jus­qu’à main­te­nant, d’être dans son corps, dans sa vie, dans ses gestes, dans sa fru­ga­li­té, dans ses renon­ce­ments, dans son ascèse, le témoin vivant de la véri­té. Il a souf­fert, il a endu­ré, il s’est pri­vé pour que la véri­té prenne, en quelque sorte, corps dans sa propre vie, dans sa propre exis­tence, prenne corps dans son corps. Cette expres­sion « mar­tu­rôn tês alê­theias » (être le témoin de la véri­té) est tar­dive, mais je crois qu’on peut la rete­nir pour carac­té­ri­ser au fond ce qu’a été le cynisme pen­dant toute 1’Antiquité, et sans doute ce que sera cette espèce de cynisme que l’ on peut trou­ver tout au long de l’his­toire de l’Occident, à tra­vers dif­fé­rents pro­fils. Martyr de la véri­té enten­du au sens de « témoin de la véri­té » : témoi­gnage qui est don­né, mani­fes­té, authen­ti­fié par une exis­tence, une forme de vie au sens le plus concret et le plus maté­riel du terme, témoi­gnage de véri­té don­né par et dans le corps, l’ha­bille­ment, le mode de com­por­te­ment, la manière d’a­gir, de réagir, de se conduire.

Le cou­rage de la véri­té
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