24 04 20

Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte

On se rend compte immé­dia­te­ment que, dans un pays comme la France, où le pou­voir exé­cu­tif dis­pose d’une armée de fonc­tion­naires de plus d’un demi-mil­lion de per­sonnes et tient, par consé­quent, constam­ment sous sa dépen­dance la plus abso­lue une quan­ti­té énorme d’in­té­rêts et d’exis­tences, où l’Etat enserre, contrôle, régle­mente, sur­veille et tient en tutelle la socié­té civile, depuis ses mani­fes­ta­tions d’exis­tence les plus vastes jus­qu’à ses mou­ve­ments les plus infimes, de ses modes d’exis­tence les plus géné­raux jus­qu’à la vie pri­vée des indi­vi­dus, où ce corps para­site, grâce à la cen­tra­li­sa­tion la plus extra­or­di­naire, acquiert une omni­pré­sence, une omni­science, une capa­ci­té de mou­ve­ment et un res­sort accru, qui n’a d’a­na­logue que l’é­tat de dépen­dance abso­lue, la dif­for­mi­té inco­hé­rente du corps social, on com­prend donc que, dans un tel pays, l’Assemblée natio­nale, en per­dant le droit de dis­po­ser des postes minis­té­riels, per­dait éga­le­ment toute influence réelle, si elle ne sim­pli­fiait pas en même temps l’ad­mi­nis­tra­tion de l’Etat, ne rédui­sait pas le plus pos­sible l’ar­mée de fonc­tion­naires et ne per­met­tait pas, enfin, à la socié­té civile et à l’o­pi­nion publique de créer leurs propres organes, indé­pen­dants du pou­voir gou­ver­ne­men­tal.