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Mais c’est exac­te­ment dans la mesure où il n’est pas un indi­vi­du que le Bloom est à même de nouer des rela­tions avec ses sem­blables. L’individu porte dans sa trom­peuse inté­gri­té, de façon ata­vique, la répres­sion de la com­mu­ni­ca­tion, ou la néces­si­té de sa fac­ti­ci­té. L’ouverture exta­tique de l’homme, et nom­mé­ment du Bloom, ce Je qui est un ON, ce ON qui est un Je, est cela même contre quoi la fic­tion
de l’individu fut inven­tée.
Le Bloom ne fait pas l’expérience d’une fini­tude par­ti­cu­lière ou d’une sépa­ra­tion déter­mi­née, mais de la fini­tude et de la sépa­ra­tion onto­lo­giques, com­munes à tous les hommes. Aussi bien, le Bloom n’est seul qu’en appa­rence, car il n’est pas seul à être seul, tous les hommes ont cette soli­tude en com­mun. Il vit comme un étran­ger dans son propre pays, inexis­tant et en marge de tout, mais tous les Bloom habitent ensemble la patrie de l’Exil. Tous les Bloom appar­tiennent indis­tinc­te­ment à un même monde qui est l’oubli du monde. Ainsi donc, le Commun est alié­né, mais il ne l’est qu’en appa­rence, car il est encore
alié­né en tant que Commun – l’aliénation du Commun ne désigne que le fait que ce qui leur est com­mun appa­raisse aux hommes comme quelque chose de par­ti­cu­lier, de propre, de pri­vé. Et ce Commun issu de l’aliénation du Commun, et que celle-ci forme, n’est rien d’autre que le Commun véri­table et unique par­mi les hommes, leur alié­na­tion ori­gi­naire : fini­tude, soli­tude, expo­si­tion. Là, le plus intime se confond avec le plus géné­ral, et le plus « pri­vé » est le mieux par­ta­gé.

Théorie du bloom
La Fabrique 2000
p. 105–106
commun général/particulier intimité man