20 12 22

Nelson, Bleuets

52. Si vous y arri­vez, essayez de ne pas par­ler comme si les cou­leurs éma­naient d’un seul phé­no­mène phy­sique. Gardez à l’esprit les effets que toutes les sortes de sur­faces, de volumes, de sources de lumière, de pel­li­cules, d’étendues, de degrés de soli­di­té, de solu­bi­li­té, de tem­pé­ra­ture et d’élasticité ont sur la cou­leur. Pensez à la capa­ci­té qu’a un objet d’émettre, de reflé­ter, d’absorber. de trans­mettre ou de dif­fu­ser la lumière ; pen­sez à « l’action de la lumière sur une plume ». Demandez-vous : quelle est la cou­leur d’une flaque ? Votre cana­pé bleu est-il tou­jours bleu quand vous pas­sez devant d’un pas hési­tant au beau milieu de la nuit pour aller cher­cher de l’eau à la cui­sine ; est-il tou­jours bleu si vous ne vous levez pas et que per­sonne n’entre dans la pièce pour le voir ? Quinze jours après notre nais­sance, nous com­men­çons à dis­tin­guer les cou­leurs. Pour le res­tant de notre vie, sauf perte totale ou par­tielle de la vue, nous sommes confron­tés à tous ces phé­no­mènes d’un coup, et appe­lons ce fouillis cha­toyant « cou­leur ». On pour­rait aller jusqu’à dire qu’il revient à l’œil de dis­cer­ner ces formes colo­rées de ce tout qui, en fait, cha­toie. C’est ain­si que « nous cir­cu­lons » dans le monde. D’aucuns l’envisagent sans doute comme la source de nos souf­frances.

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trad.  Céline Leroy
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p. 26–27