L’élan est venu, politiquement, en 1967, des langues du marxisme, de la langue de la psychanalyse en train de se publiciser, des langues d’un internationalisme en voie de développement qui se reliaient aux modes d’expression du cinéma et aux langues de la pop culture. Une nouvelle façon de parler d’une insolence sexualisée dans son ensemble en sortit, qui répliquait aux exigences de la « société dominante », à chaque argument ou non-argument adverse, que la vie était ici et maintenant, que le savoir était ce qu’on avait soi-même, et qu’on se fichait du reste.
De nombreuses autres langues se sont mélangées, de tous les coins et recoins imaginables, de 1967 à 1970 : avec des bouts scientifiques, actionnistes, performés, spontanéistes extraits de la langue du mouvement ouvrier, des langues et façons de parler pédagogiques, pédantes, virulentes, didactiques, euphoriques, cabotines, magouilleuses, impitoyablement ouvertes, autopromotionnelles, paranoïaques, narcissiques, relax, confuses, touchantes, revendicatives, alimentées par des notes d’amour. On peut étirer la série, dans plein de directions, et c’est justement là que ça se passe : dans ce brouhaha de tout ce qui avait, comme d’un coup d’un seul, réussi à devenir public, il y avait pour la première fois (et tel qu’il apparaissait, pas juste « pour moi ») quelque chose comme la possibilité d’une connexion de son propre parler avec un espace public, avec un nouveau type de réalité s’imposant publiquement, connexion auparavant seulement postulée, pressentie, voulue, laborieusement construite dans des discussions de bars.
25 08 25