25 08 25

Theweleit, La possibilité d’une vie non-fasciste

La langue offi­cielle alle­mande a tout fait pour sou­li­gner que tous ces registres vivi­fiants, les uns comme les autres, s’enracinaient dans la « non-Allemagne » ou la « délin­quance » si sou­vent invo­quées. Ce qui reve­nait à une expul­sion offi­cielle. La pos­si­bi­li­té d’une parole publique à soi s’est faite dès le départ depuis cet exil impo­sé. On ne pou­vait accé­der à la viva­ci­té et à une rai­son poli­tique qu’à par­tir des innom­brables posi­tions du « pays dénom­mé Étranger ». L’écriture publique a com­men­cé par une forme de trans­gres­sion : sur tracts. Sur les tracts, je lisais les mots à « moi » qui pas­saient. Une langue écrite était venue à moi par les airs, encore lisible le len­de­main, défen­dable, sans rai­son d’en rou­gir, à la dif­fé­rence des ten­ta­tives poé­tiques anté­rieures ou de la scien­ti­fi­ci­té hési­tante des bagages de séminaire.
Ma pre­mière citoyen­ne­té alle­mande fut donc une citoyen­ne­té uni­ver­si­taire non-uni­ver­si­taire, parce que le tout se déve­lop­pa dans l’université et n’aurait pu se déployer ailleurs, dans une uni­ver­si­té en plein épa­nouis­se­ment, en pleine ouver­ture (du côté estu­dian­tin), à la fin des années 1960. Dans une confé­rence des années 1980, l’historien ber­li­nois des reli­gions Klaus Heinrich a qua­li­fié les actions des étu­diants de l’époque de « der­nière décla­ra­tion d’amour d’une géné­ra­tion d’étudiants à l’institution uni­ver­si­taire ». C’est beau et ça vise juste. Infiniment grand et prin­ci­pa­le­ment dés­in­té­res­sé était l’espoir de pou­voir trans­for­mer l’université en un bout de pays où vivre. Tant de can­deur pour un monde meilleur…