25 08 25

Theweleit, La possibilité d’une vie non-fasciste

« Nous » décla­rions « les adultes » comme mani­fes­te­ment fous ; nous étions des étran­gers dans notre propre pays, dans notre propre « culture », comme l’appelaient les fous (et le reste du monde était cen­sé ne pas avoir cette « culture », les Russes et moins encore les « nègres » dont nous écou­tions constam­ment l’impropre par suite de « judaïsation »).
Ils ne vou­laient néan­moins rien recon­naître de l’ampleur du meurtre sys­té­ma­tique. « Un peu trop d’assassinés, concé­dait un peu plus notre père, fonc­tion­naire des che­mins de fer prus­siens de caté­go­rie inter­mé­diaire du côté du bien éter­nel. »
Tout « notre » par­ler était pas­sé du côté des gens du même tage. Là, j’ai eu de la « chance » ; il y avait tou­jours des amis avec qui jouer, dis­cu­ter, boire et lire qui pen­saient réel­le­ment. « On n’a pas de chance, on est dans la chance », ai-je lu plus tard chez Adorno. D’accord, il avait rai­son, comme presque tou­jours, le type.
Freud était tom­bé dans les mains de beau­coup d’entre « nous ». Nous étions des lec­teurs : la lit­té­ra­ture des exi­lés, Thomas Mann, Brecht bien sûr, alors very busy à conqué­rir les scènes du théâtre ouest-alle­mand. À 19 ans : l’Interprétation du rêve de Freud ; au lycée, le Petit orga­non de Brecht ; un jeune pro­fes­seur d’histoire est un jour arri­vé avec le Manifeste du par­ti com­mu­niste, auteur : Karl Marx. Les livres de Tucholsky dans la col­lec­tion roro­ro étaient dans toutes les poches. Ainsi que – en dehors de l’école – Henry Miller.