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Theweleit, La possibilité d’une vie non-fasciste

Les membres des séries syn­dro­miques telles que décrites par Showalter n’ont pas besoin de se ras­sem­bler pour être recon­nus comme des par­ties de séries ; ils n’ont pas besoin de se connaître entre eux, de se maté­ria­li­ser en une masse concrète dans une rue ou une place quel­conque pour être valables ; c’est ce qui dis­tingue fon­da­men­ta­le­ment leur mode de consti­tu­tion de toute for­ma­tion de masse. Mais ils peuvent deve­nir des masses sous cer­taines conditions.
Showalter rap­porte que les femmes amé­ri­caines qui font par­tie de la série des vic­times d’abus sexuels dans la petite enfance tiennent régu­liè­re­ment des sur­vi­val mee­tings, des réunions de sur­vi­vantes. Avec deux effets : l’un interne, qui est un effet de masse – nous for­mons un seul grand corps de femmes qui ont été vio­lées –, et l’autre externe, qui a à voir avec le fait de deve­nir visibles – nous sommes encore là, nous avons sur­vé­cu ! L’outing télé­vi­sé, le fait d’être enre­gis­trées et dif­fu­sées est pro­mu au rang de preuve ultime et valable d’existence. Le sta­tut de série est plus impor­tant qu’une « gué­ri­son » : le moi (seul) n’est rien, mais 5 mil­lions de femmes vio­lées ne peuvent pas se trom­per (= mentir).
À par­tir de là, on peut peut-être retour­ner la phrase de Marshall McLuhan selon laquelle chaque nou­veau médium tech­nique est un pro­lon­ge­ment du corps humain : les corps humains, dans leur forme d’existence sérielle, sont des appen­dices et des pro­lon­ge­ments des médias tech­niques. Et la forme d’existence sérielle croît par rap­port à celle de l’humain comme par­tie de la masse.