18 01 16

Les idées nous marquent sou­vent moins par ce qu’elles disent qu’à cause de l’ins­tant où elles nous viennent. Une idée qui s’a­juste à la cohue de toutes les autres (c’est ain­si la plu­part du temps lorsque nous sommes hési­tants et que nous cher­chons, pesant le pour et le contre, à prendre une déci­sion) ne nous marque pas autant que celle qui nous vient, dans l’i­so­le­ment, lorsque nous ne sommes abso­lu­ment pas dis­po­sés à pen­ser et qui a donc pris le che­min le plus secret à tra­vers les chambres obs­cures, à tra­vers le coeur et les reins, le dia­phragme et le foie, comme les anciens le savaient bien. Mais parce que, la plu­part du temps lorsque nous dor­mons, nous nous en remet­tons à ces chambres (me si leurs ver­rous sont des ver­rous oni­riques) qui cèdent à la plus faible pres­sion de la pul­sion), ces idées nous atteignent au plus pro­fond lorsque nous nous réveillons, et ce qu’elles nous pré­sentent alors, peu importe qu’il s’a­gisse d’une requête ou d’une condam­na­tion à mort, est signé.

Rêves
trad. Christophe David
Gallimard 2009
corps corps/tête idées organes rêve