18 01 16

À la fin de Matière et mémoire, Bergson déve­loppe l’i­dée selon laquelle la per­cep­tion serait une fonc­tion du temps. Si nous vivions, peut-on dire, selon un autre rythme, plus serein, il n’y aurait plus rien de « per­ma­nent » pour nous ; tout advien­drait sous nos yeux, tout vien­drait nous frap­per. C’est pré­ci­sé­ment ce qui se passe dans le rêve. Pour com­prendre ce que sont, au fond, les pas­sages, nous les enfouis­sons dans la plus pro­fonde couche du rêve et nous en par­lons comme s’ils étaient venus nous frap­per. Un col­lec­tion­neur consi­dère les choses de la même façon. Les choses viennent frap­per le col­lec­tion­neur. La façon dont il cherche et trouve une nou­velle pièce, la façon dont sa pré­sence modi­fie les autres, tout cela l’in­vite à regar­der les objets de sa col­lec­tion comme dis­sous – à la manière du réel dans le rêve – dans un flux per­ma­nent.

Rêves
trad. Christophe David
Gallimard 2009
collection permanence rêve réveil rythme stupéfaction