18 01 16

Boccace, Décaméron

Quant à mon hon­neur, j’en­tends bien que per­sonne ne s’en sou­cie plus que moi, main­te­nant qu’il est trop tard pour le faire. Si seule­ment mes parents s’en étaient sou­ciés quand ils m’ont don­née à vous ! S’ils ne l’ont pas fait alors, je n’en­tends pas me pré­oc­cu­per du leur à pré­sent. Si je vis en état de péché mor­tier, j’y res­te­rai, aujourd’­hui et demain, bien bêchée par ce pilon : n’en soyez pas plus sou­cieux que moi ! Et puis, je vous le déclare : ici, j’ai l’im­pres­sion d’être l’é­pouse de Paganino, tan­dis qu’à Pise, j’a­vais l’im­pres­sion d’être votre putain, quand je songe que la conjonc­tion de nos pla­nètes était fonc­tion des posi­tions de la lune et des qua­dra­tures, alors qu’i­ci, Paganino me tient dans ses bras toute la nuit, et il me presse, et il me mord ! Quant à la façon dont il m’ar­range, Dieu seul peut vous le dire à ma place. Vous ferez des efforts, dites-vous : mais pour quoi ? Pour faire par­tie nulle et pour lever la canne ? Je sais que vous êtes deve­nu bon che­vau­cheur depuis que je ne vous ai vu ! Allez-vous-en, et effor­cez-vous de vivre, car j’ai plu­tôt l’im­pres­sion que vous êtes en loca­tion en ce monde, tant vous m’a­vez l’air poi­tri­naire et grin­ga­let.