Ma est le 34e EP de la Petite Année de la Marchandise. C’est une improvisation corollaire d’un texte (Le chevauchant cravachant le galopant) et d’un exercice de prononciation en anglais et allemand (Chateau Cheuvale – colonne de droite sur la page de l’EP) qu’LL de Mars a intussusceptionnés puis précipités dans un diagramme qui a servi de partition. Les figures y sont grotesques et programmatiques, elles sont comme des nœuds de quipou qui à la fois arrêtent, scandent et démêlent les anamnèses.
1/ « Ma » est, dans de nombreuses langues, le premier son humain émis reconnu comme articulation, donc comme parole.
2/ « Ma » est la première syllabe du nom de Marcel Jousse, la bête schizoïde chamane-possédée dont il est question dans Le chevauchant cravachant le galopant. On y lit que le réglage d’un rapport au monde se fait par des moments de versatilité ludique (ce que l’anglais appelle playing) et par l’affirmation d’une unité scénaristique de ces moments dans une heuristique du rejeu (ce que Jousse appelle un drame). La possibilité préservée d’une reprise, d’un recommencement, maintient ce vide efficace, fonctionnel, du « jeu pour le jeu » (le « ma » japonais : 間). Ce qui finit par constituer l’axe herméneutique du jeu enfantin, pour Jousse, c’est la porosité des rôles établis par le scénario adulte consolidé : sujet/objet, agent/agi, maître/possédé.
3/ « Ma » est un monosyllabe chinois qui imprime l’échangeur [agent/agi] dans le circuit de toute langue et fait son mandarin dans la langue :
Le mamamama chinois, exercice de réglage accentuel à l’usage des étrangers, construit, par la répétition, une différence rythmique au sein d’un perçu-comme-même ; c’est le mode de la reprise des jeux enfantins (le noch einmal évoqué par Benjamin dans Spielzeug und Spielen). Ce mode n’autorise qu’un seul rôle, celui de fouetteur fouetté par son langage gestuel et vocal. Ainsi agent/agi, cheval/mère, sont moins des chapichapos – dont le ballet synchronise la pantomime d’un rangement – que des bêtes schizoïdes chamane/possédé – occupées à maintenir l’indétermination de leur idiome commun. Leurs « reprises » ne visent pas l’accord avec un langage soit déjà connu, soit déjà écrit, mais le maintien d’une roue libre spéculative où le signifiant ne risque pas de se fixer – ou plus exactement, de s’admirer dans ce qu’il prend pour son image enfin recomposée.
4/ « Ma » est le radical du prénom d’une fille et par là presque fatalement le nom-doudou qui remplace, valide, complète en l’écourtant, le nom conventionnel de la marionnette parentale. Un nom de formule macho-magique, possessif à clef unique mais accentuable, tonifiable, intensifiable à l’infini.