16 01 16

La haine de l’art (la haine de la mort informe, de la brume sans effet, qu’il semble por­ter), la haine que l’art peut se vouer s’il sty­lise le chaos mal­gré lui, s’il met en forme la dis­per­sion, n’est pas le propre de l’art. Une excep­tion le prouve : le poème. La haine de la poé­sie, si le terme de haine attire, est le propre de la poé­sie ; elle se défie nati­ve­ment de son « esthé­tique », de son charme vorace, du pro­cès de for­ma­li­sa­tion, de mise en forme signi­fiante. La méfiance peut avoir nom Dionysos. Et c’est une haine double : a) pour la forme médu­sante et l’art poé­tique, le fixa­tif impli­qué dans la for­ma­tion de la forme ; et b) pour le sens défor­mant, qui embrume ou endort la pos­si­bi­li­té d’un art poé­tique, d’un geste apol­li­nien.

Contre un Boileau
Fayard 2015
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