Le rêve “écran-veille” (1’30)
Expression d’une activité mentale réduite (qui n’est jamais totalement à l’arrêt), il constitue un intermezzo pendant lequel le “je” rêve peut-être encore, mais ne se souvient de rien, sinon de recherches angoissantes et de rues obscures. Un organique confit de minéralité et végétalité précieusement altérées : du louis-xv, du marbre, Mensch Menge, Mensch unbestimmter Menge. Il est impossible de donner à ce genre de rêves une quelconque signification, si tant est qu’on parvienne jamais à les traduire en mots, leur message nous parvenant pour l’essentiel sous la forme de cheatcodes pour MegaDrive : ABBA BBA AABB (cependant, il n’est pas sûr que ces rêves n’aient pas une fonction biologique voire même psychologique – rééquilibrage énergétique par mise en ordre des informations : sauter un niveau, revenir au précédent, s’étoffer artificiellement pour bien figurer au dernier niveau).
Je regarde en haut. Il fait une poudre noire sur la ville. Alors sous mon chapeau et dans la bouche j’entends un goût d’encre (avec de minuscules étuis métalliques). Je vois. Aussi comme une cloche sur la poudre noire. Du cercueil umbestimmten Menschen, puis j’entends des pièces nautiques du sommeil (sur chevaux marins). Ravi je songe : un sanctuaire microscopique. Et je traîne mon butin.
Je regarde en bas.
Je décide d’aller chez ma grand-mère
Je marche vers la piazza Cavour à Florence
je me trouve maintenant sur une place d’une grande beauté métaphysique
j’ai devant les yeux une pièce chaude
je regarde mes pieds
Je vois de la lumière dans certaines maisons
Julia semble se reposer
Il y a un Monsieur
Un Monsieur parle devant elle comme si elle était transparente.
Je suis prêt à me faire une raison.
On nous apporte du gâteau et un café
un rayon blanc tombe des lampes
dans chaque lit un bébé est assis habillé comme un adulte
on se sentait si bien
Mais cette impression ne dure pas longtemps
Une façade blanche à l’abandon me rappelle le présent
Je me dis : c’est la lumière de cette époque-là,
et moi aussi je gratte un peu le sable
Le rêve “flash” (2’10)
Il me vient du sommeil paradoxal où je suis chez moi, en rythme biologique, allongée dans mon lit et proche de l’état de veille (je tiens une fille par les cheveux elle a le dos tourné et je ne peux pas voir son visage). Dans un langage métaphorique, ce rêve nous invite à trouver les clés, la guidance.
Je regarde mes pieds
Partout on avait prévu le malheur
je me suis réveillé
sur un lit moelleux -
comme devant un autel.
refuge des grands malades.
je me souviens particulièrement de ses cheveux
la femme avance dans la prairie d’une équipe de joueurs de football coiffée
puis disparaît.
Je fixe mes pieds avec stupéfaction
un objet complètement déformé,
sur la plate-forme arrière
C’est la nostalgie heureuse.
Je regarde mes pieds
je fixe mes pieds avec stupéfaction
je me souviens
je me souviens avoir été très heureux
Dans la chambre les volets sont toujours fermés
on implore la déesse du malheur
le refuge de toutes les images.
il y a un podium sur lequel on a installé une table.
Au haut de l’escalier
d’allure athlétique
extrêmement dur
Cet homme se détache
Le rêve “denté” (06:12)
the scene is very unclear in the beginning
I am in the horse stable
in the beginning
there is a mirror reflecting the scene
the teeth in my mouth start multiplying ad infinitum
I start walking
I continue walking
I pass by
all of a sudden
when teeth grow they fall out
behind the ground is covered in teeth
my skin is covered in eels
the eels try to catch the teeth as they fall
when an eel catches a tooth it produces a strange noise of content
all of a sudden
I have the impression that I have to get something to change my current situation
very uncomfortable
everything is rotten or poisoned
there is a button
i accidentally press a button
a voice talks about alice notley
there are signs on the walls
its meaning is not decipharable
I am at the same time inside and outside
the horses are grazing on teeth
I walk on
I am being pressed into an invisible wall
I arrive at a beach
covered in shellless oysters
I try to wake up
I realize that I am dreaming
I am falling
a dog appears
i must have seen it somewhere else before it seems very familiar
I am carrying a large rat
all of a sudden I am in a group of people
further down
i can see through a window
i try to look at my hand
i am unsure whether it is joel or my mother
diego is also there
marion has something to do with this somehow
i wonder how come francois hadn’t told me about it before
it reminds me of my mother
I hear water dripping somewhere but cannot localize it
at the same time
somewhere else
I realize that
all of a sudden everything is covered in teeth
I am excluded
very close by
the situation seems threatening
a possum and a snake are having an argument about this
the possum extends his hand to hi-five me
i start running
I am somehow sure of I go in I will understand all of this
I start shitting very inconveniently
I am bored
I realize that
At a given moment
Donald Trump jumps out of an egg
Merkel has ordered it this way
I have no choice but to eat it
somehow I am writing an essay about this
that belongs to me
Le rêve “gaulois” (05:50)
je suis encore à l’école et je vais aux chiottes
j’y vais avec le projet de me faire “raser les chevaux”
j’entre dans le cubicule et je baisse mon pantalon, puis ma lingerie
puis en fixant le trou sombre du trône peu hygiénique
je remarque qu’il y a une sorte de
fortification punk
qui entoure la cuvette, sur le rebord
avec des tout petits punks qui se sont installé·e·s dans des cabanes
construites en bois, du petit bois comme du bois d’allumette
sur la surface blanche du rebord de la cuvette des WC
les cabanes, reliées par des haies ou des palissades
constituent un espèce de camp
qui encercle le Grand Canyon
la mine de charbon
de la cuvette
un camp tribal de punks à chevaux
ou des punks de l’ancienne Gaule
des punk anciens gaulois
avec des cheveux beurrés, tout ça
un peu tout mouillés, un peu moites et perlés avec de la pisse scolaire
je suis complètement fasciné par cette communauté
qui n’est pas microscopique,
mais qui est quand même
extrêmement petite
et qui, avec ses iroquois
clous
cuir
baskets
équipements divers volés
chevaux infimes
à selle modeste et ornée,
ont un air de fierté païenne et une sorte de sainteté,
ils ont une tranquillité
un sans-peur en dépit de leur taille
ils n’ont ni peur du trou sombre ni peur des problèmes hygiéniques
qui s’associent inévitablement avec leur forme de vie
des problèmes auxiliaires-gênants de la petite vie
aux rebords des chiottes, et au milieu de la pisse scolaire
et cette tranquillité ou ce bonheur même
commence tout à coup à m’infuser
ce n’est plus comme si j’étais étudiant·e
grand·e
et que je devais avoir peur des microbes
je suis plutôt microbe moi-même
ou plus proche du côté microbien de la vie
c’est possible d’exister dans un milieu plus modeste
un “entre” moins vulnérable
comme une fourmi, peut-être
le sentiment chaud d’un bonheur possible
proche
et petit,
qui se localise dans ma nuque
.
je continue d’observer cette
population enthousiaste de porcelaine
et puis je remarque qu’il y a quelques punks
qui s’occupent avec des cordes, des lassos,
ils commencent à swinguer des lassos
aussi perlés que ceux qui les manient
depuis les petites palissades de la fortification
et puis je constate que plus bas
sur les pentes merdiques du canyon
courent librement des chevaux sales et sauvages
que la tribu des punks essaie de prendre avec ses lassos
en fait c’est ça l’activité principale de la tribu
c’est comme le rebord solide, la porcelaine de leur forme de vie
les chevaux qu’ils chevauchent sont les chevaux des chiottes
et ces Gaulois à cheval ils s’en tapent de la merde écolière,
possiblement la pisse scolaire les aide à brosser les chevaux
et leur nettoyer la crinière des crottes éducationnelles
ils essaient assez constamment de capturer des chevaux
des fois, quand un punk en attrape un avec le lasso,
ils arrivent à le lever jusqu’au rebord, une bonne pêche
mais des fois le cheval est trop fort pour le punk à lasso minime
et parce que les punks sont des gens fiers en général
qui ne cèdent pas aux animaux
quelques punks sont quelques fois attirés dans l’abysse
mais “normalement”
avant qu’ils lancent un lasso
les punks ont l’habitude de dire “adieu”
avec tout leur coeur
à leurs chèr·e·s camarades
alors j’entends
en observant
des high pitched cris fiers d’adieu
pleins d’émotion
et regards fascinés
les lassos comme des fils très fins en coton
descendent les pentes
du canyon
ben donc puis je me réveille
Expérience dite de “la boule-rouge” (0’50)
je rêvai d’une boulette rouge
une boule de matière cérébrale, muscles et nerfs de la tête de Danton
une boulette rouge avalée entière coincée dans le corps
une boulette de bons gros êtres-boules hybrides avec d’étranges masques
et d’étranges pieds, les uns vernis, les autres de bouc
extrêmement pâles.
Le cortège pénètre dans la manufacture d’allumettes.
Un homme est assis
je rêvai d’une boulette rouge délicatement coincée dans le cerveau
Je rêvai d’une boulette rouge d’une femme en boule moitié pianiste moitié faune
d’un monstre lugubre d’une bonne humeur tumultueuse.
Le monstre se roule s’étend picore des raisins boit du thé fume danse en même temps, gargarise un air
Expérience dite du “guéridon sophistiqué” (05:23)
Guéridon. Étymol. et Hist. 1650 (Loret, Muze historique ds Havard). Du nom d’un personnage de farce Gueridon (1614, Conférence d’Antitus, Panurge et Gueridon d’apr. Nies ds Germ. rom. Mon. t. 17, p. 355), paysan des confins du Poitou s’exprimant par sentences, qui devint héros de chanson et dont le nom fut mis au refrain ( cf. E. Fournier ds Variétés hist. et littér., t. 8, p. 281, note) et introduit à la même date dans un ballet (1614, ballet des Argonautes, cf. Nies, loc. cit.). Le terme désigne par ailleurs, à la même époque, un genre de chansons (Nies, loc. cit.). Ce nom, prob. né d’un refrain contemp., formé de o gué et laridon, fut employé dans les chansons satiriques pour désigner la personne dont on se moquait. Ainsi la désignation par ce nom de ce petit meuble, dont le pied, unique à l’orig., avait souvent une forme humaine, notamment celle d’un Maure, est peut-être due à l’image du personnage isolé, qui dans la danse du branle de la torche, au cours de laquelle on chantait ce refrain, tenait un flambeau alors que les autres s’embrassaient (Nies, op. cit., pp. 360–364).
Tout à coup je suis nu nu vraiment tout nu, nu dans une grande pièce entièrement marbrée. Du beau marbre blanc aux veines magnifiques. Il devient clair que je suis un guéridon Louis XV, propre, lisse, laqué, fragile je ressens beaucoup de fierté je me sens précieux, j’ai envie de pisser propre lisse laqué, fragile. Etre un guéridon Louis XV me donne beaucoup de fierté mais une certaine angoisse quant à ma capacité à atteindre les chiottes. Je pressens que me pisser dessus aurait de graves conséquences historiques. Il y a quelque chose de pesant dans l’immobilité subie de ma vie de guéridon poncé main. Je n’ai pas d’autre choix que d’accepter mon sort de pièce de mobilier cossu du 18e siècle. Peut-être ai-je été changé en table pour me punir de ma nudité en public, peut-être ai-je été rendu nu pour avoir prétendu être un guéridon. Ma nudité ne semble pas étrangère à mon inertie : en est-elle la cause, je ne sais pas, il est certain que je ne m’amuse pas, que je ne semble pas m’amuser
je me souviens ressentir de la honte à n’avoir qu’un unique tiroir
tout ça dure quelques heures.
Je ne semble pas m’amuser.
Quelques heures calmes d’un calme précédant à coup sûr une tempête
j’ai le pressentiment d’une tempête historique
une certaine angoisse quant à ma capacité à atteindre les chiottes
La nudité se répand aux autres hommes, objets, concepts, tous vernis
c’est effarant
tout ce marbre
encore du marbre
du marbre même où on attendrait pas
du marbre là où on attendrait de la parquèterie.
Je me résigne à ma vie de guéridon
vraiment tout nu
Propre, lisse, laqué, fragile
je suis nu
lisse
je me réveille
nu comme un vers