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Je reprends et je vais prendre une référence qui a son intérêt qui n’est rien d’autre que quelque chose qui touche au caractère tout à fait le plus radical des relations du « je » avec le signifiant. Dans les langues indo-européennes anciennes et dans certaines survivances des langues vivantes, il y a ce qu’on appelle, et que vous avez tous appris à l’école, « la voix moyenne ». La voix moyenne se distingue de la voix positive et de la voix passive en ceci que nous disons, dans une approximation qui vaut ce que valent d’autres approximations qu’on apprend à l’école, que le sujet fait l’action dont il s’agit. Il y a des formes verbales qui disent un certain nombre de choses. Il y a deux formes différentes pour dire « je sacrifie », comme sacrificateur, ou « je sacrifie », comme celui qui offre le sacrifice à son bénéfice.
L’intérêt n’est pas d’entrer dans cette nuance de la voix moyenne à propos des verbes qui ont les deux voix parce que précisément nous n’en usons pas, nous la sentirons toujours mal, mais ce qui est instructif c’est de s’apercevoir qu’il y a des verbes qui n’ont que l’une ou l’autre voix, et que c’est précisément ce que les linguistes, sauf dans les cas où ils sont particulièrement astucieux, laissent tomber. Alors là vous vous apercevez des choses très drôles : c’est, pour le recueillir dans un article, ce que M. BENVENISTE a fait sur ce sujet, et dont je vous donne la référence : Journal de Psychologie normale et pathologique Janvier-Mars 1950, entièrement consacré au langage. Nous nous apercevrons que sont les moyens verbes : naître, mourir, suivre et pousser au mouvement, être maître, être couché, et revenir à un état familier, jouer, avoir profit, souffrir, patienter, éprouver une agitation mentale, prendre des mesures – qui est le medeor dont vous êtes tous investis comme médecins, car tout ce qui se rapporte à la médecine est dérivé de ce medeorparler enfin, c’est très précisément du registre de ce dont il s’agit dans ce qui est en jeu dans notre expérience analytique.
Dans le cas où les verbes n’existent et ne fonctionnent dans un certain nombre de langues qu’à la voix moyenne et seulement à cette voix, et d’après l’étude c’est très précisément à cette notion que le sujet se constitue dans le procès ou l’état, que le verbe exprime.
N’attachez aucune importance aux termes « procès » ou « état », la fonction verbale comme telle n’est pas du tout si facilement saisie dans aucune catégorie. Le verbe est une fonction dans la phrase, et rien d’autre, car « procès » ou « état », les substantifs l’expriment aussi bien. Le fait que le sujet soit plus ou moins impliqué n’est absolument pas changé par le fait que le procès dont il s’agit soit employé à la forme verbale. Le fait qu’il soit employé à la forme verbale dans la phrase, n’a aucune espèce de sens, c’est qu’il sera le support d’un certain nombre d’accents signifiants qui situeront l’ensemble de la phrase sous un aspect ou sous un mode temporel.

Le séminaire
t. 3 Les psychoses (1955–1956)
Seuil 1981
actif/passif benveniste diathèse état lacan moyen procès psychanalyse sacrifice voie moyenne