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[À pro­pos de l’âge où le mythe devient mytho­lo­gie, dis­cours sur le mythe, vul­gate sco­laire, Veyne parle des « doctes cré­dules », isto­riens pro­fes­sion­na­li­sés, qui forment un accom­mo­de­ment de dupes en ratio­na­li­sant le mer­veilleux, de façon à conser­ver au mythe son carac­tère de véra­ci­té :] Restait le côté sérieux de l’af­faire : que pen­sée de cette masse de récits ? Ici, deux écoles, que l’on confond sou­vent à tort sous le terme trop moderne de trai­te­ment ration­nel du mythe ; d’un côté, les cré­dules, tels que Diodore, mais aus­si Evhémère ; de l’autre, les doctes.
Il exis­tait, en effet, un public cré­dule, mais culti­vé, qui exi­geait un mer­veilleux nou­veau ; ce mer­veilleux ne devait plus être situé, au-delà du vrai et du faux, en un pas­sé sans âge : on vou­lait qu’il fût « scien­ti­fique », ou plu­tôt his­to­rique. Car on ne pou­vait plus croire au mer­veilleux à l’an­cienne mode ; la rai­son n’en est pas, je crois, l’Auflklärung des Sophistes, mais le suc­cès du genre his­to­rique ; pour trou­ver pre­neur, le mythe devra désor­mais pas­ser pour de l’his­toire. Ce qi don­ne­ra à cette mys­ti­fi­ca­tion l’ap­pa­rence trom­peuse d’une ratio­na­li­sa­tion ; d’où l’as­pect faus­se­ment contra­dic­toire de Timée, l’un des grands four­nis­seurs du genre : Timée a écrit une his­toire « rem­plie de songes, pro­diges, récits incroyables, en un mots, de super­sti­tions gros­sières et de contes de bonnes femmes » ; le même Timée donne des mythes une inter­pré­ta­tion ratio­nelle.
Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?
Seuil 1983
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