[À propos de l’âge où le mythe devient mythologie, discours sur le mythe, vulgate scolaire, Veyne parle des « doctes crédules », istoriens professionnalisés, qui forment un accommodement de dupes en rationalisant le merveilleux, de façon à conserver au mythe son caractère de véracité :]
Restait le côté sérieux de l’affaire : que pensée de cette masse de récits ? Ici, deux écoles, que l’on confond souvent à tort sous le terme trop moderne de traitement rationnel du mythe ; d’un côté, les crédules, tels que Diodore, mais aussi Evhémère ; de l’autre, les doctes.
Il existait, en effet, un public crédule, mais cultivé, qui exigeait un merveilleux nouveau ; ce merveilleux ne devait plus être situé, au-delà du vrai et du faux, en un passé sans âge : on voulait qu’il fût « scientifique », ou plutôt historique. Car on ne pouvait plus croire au merveilleux à l’ancienne mode ; la raison n’en est pas, je crois, l’Auflklärung des Sophistes, mais le succès du genre historique ; pour trouver preneur, le mythe devra désormais passer pour de l’histoire. Ce qi donnera à cette mystification l’apparence trompeuse d’une rationalisation ; d’où l’aspect faussement contradictoire de Timée, l’un des grands fournisseurs du genre : Timée a écrit une histoire « remplie de songes, prodiges, récits incroyables, en un mots, de superstitions grossières et de contes de bonnes femmes » ; le même Timée donne des mythes une interprétation rationelle.