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Les Grecs [ont fini par faire] un usage céré­mo­niel de l’ai­tio­lo­gie ; en effet, le mythe était deve­nu véri­té rhé­to­rique. […] D’où une moda­li­té par­ti­cu­lière de croyance : le conte­nu des dis­cours d’ap­pa­rat n’é­tait pas sen­ti comme vrai et pas davan­tage comme faux, mais comme ver­bal. Les res­pon­sa­bi­li­tés de cette « langue de bois » ne sont pas du côté des pou­voirs poli­tiques, mais d’une ins­ti­tu­tion propre à cette époque, à savoir la rhé­to­rique. Les inté­res­sés n’é­taient pas contre pour autant, car ils savaient dis­tin­guer la lettre et la bonne inten­tion : si ce n’é­tait pas vrai, c’é­tait bien trou­vé.
Les Grecs avaient une vieille com­plai­sance pour le bene tro­va­to, qui confirme une idée du jeune Nietzsche : il n’y a pas men­songe là où le men­teur n’a pas inté­rêt à men­tir. […] L’hymne homé­rique à Hermès est une illus­tra­tion humo­ris­tique de ce zèle pieux ; selon le poète, le dieu Hermès, jeune pro­dige aux mille malices, était à peine sor­ti du ventre de sa mère qu’il inven­tait l’art des chan­sons ; la pre­mière com­po­si­tion de ce témoin pri­vi­lé­gié consis­ta à racon­ter les amours de son père et de sa mère.

Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?
Seuil 1983
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