Les Grecs [ont fini par faire] un usage cérémoniel de l’aitiologie ; en effet, le mythe était devenu vérité rhétorique. […] D’où une modalité particulière de croyance : le contenu des discours d’apparat n’était pas senti comme vrai et pas davantage comme faux, mais comme verbal. Les responsabilités de cette « langue de bois » ne sont pas du côté des pouvoirs politiques, mais d’une institution propre à cette époque, à savoir la rhétorique. Les intéressés n’étaient pas contre pour autant, car ils savaient distinguer la lettre et la bonne intention : si ce n’était pas vrai, c’était bien trouvé.
Les Grecs avaient une vieille complaisance pour le bene trovato, qui confirme une idée du jeune Nietzsche : il n’y a pas mensonge là où le menteur n’a pas intérêt à mentir. […]
L’hymne homérique à Hermès est une illustration humoristique de ce zèle pieux ; selon le poète, le dieu Hermès, jeune prodige aux mille malices, était à peine sorti du ventre de sa mère qu’il inventait l’art des chansons ; la première composition de ce témoin privilégié consista à raconter les amours de son père et de sa mère.
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